Geneviève est infirmière libérale sur Lyon depuis 9 ans. Elle nous raconte son installation en libéral et partage avec nous son quotidien de tournées de soins lyonnaises, à pied, entre les tours du quartier de la Part-Dieu.
Cette interview est retranscrite de l’émission Live Instagram « Happy IDEL » du mercredi 26 août 2020 diffusée sur le compte Entre Infirmière Libérales.
Devenir infirmière libérale en cabinet existant
Comment es-tu devenu infirmière libérale ?
J’ai travaillé longtemps dans un service de dialyse et avec le chef, cela n’allait plus. J’ai profité de mon congé parental pour réfléchir et me lancer. Je pensais d’abord au remplacement en libéral, puis j’ai trouvé une offre de cessation de patientèle dans un cabinet infirmier de deux personnes. J’ai fait une journée avec ma future collègue et on a bien accroché. Je ne suis donc jamais passée par les remplacements avant.
Donc c’est ta collègue qui t’a tout appris ?
Oui, le cabinet existe depuis plus de 20 ans et c’est elle qui m’a coachée sur tout. Elle m’a guidée, aidée et on se complète bien dans tout ce qu’on fait. C’est un bonheur de travailler avec elle. Cela fait 9 ans maintenant que je suis en libéral.
As-tu réussi tout de suite lors de ton installation à te mettre dans le bain ou bien cela a été compliqué ?
C’était simple, car dans ce cabinet, les tournées de soins commençaient à 5h00 du matin et on finissait à 11H00. Je pouvais donc chercher ma fille vers midi et tôt le matin, une nounou prenait le relais et l’amenait à l’école. Le soir, on ne travaillait pas. Puis mes enfants ont grandi et on a changé la tournée, car 5H00 du mat’, ça pique !
Ne plus être salariée, ça te faisait peur ?
C’est un chemin différent : plus de vacances ou bien il faut travailler plus… Comme ma collègue était là pour me l’apprendre, cela s’est fait rapidement et j’ai trouvé cela fluide, j’ai enchaîné des formations, mais avec elle cela a été facile de comprendre les enjeux tout de suite.
J’avais fait une formation nomenclature NGAP, sur le diabète et j’en ai fait beaucoup d’autres auxquelles j’avais droit, tous les ans. Ça m’a aussi aidé. Cette année, j’ai fait : PICC Lines et catétaires centraux, anticoagulants... et là je vais faire éducation thérapeutique du patient.
Qu’est-ce qui te plaît dans ce métier d’IDEL ?
C’est tous les jours différent. Les tournées changent. On pense que cela va être tranquille et ça bouge, il faut s’adapter, et cela se passe bien.
Dans ton cabinet vous êtes combien ?
On est deux et un mi-temps. Une collègue fait moitié temps de la clinique et moitié temps avec nous car elle trouve l'exercice libéral peu sécurisant. On a un planning fixe pour les temps plein et celle en mi-temps se rajoute par rapport à son planning. Je fais maximum 5-6 jours d’affilée lors de périodes de vacances. Mais aujourd’hui, on fait habituellement 3-4 jours maxi.
Vous prenez des remplaçants ou pas besoin ?
On prend souvent des infirmiers remplaçants pour les vacances pour quelques jours. Ce n’est pas toujours facile d’en trouver à Lyon, car généralement elles veulent des jours fixes, dans la durée et ce n’est pas ce que l’on propose donc nos horaires sont moins intéressants pour elles. Et cela se comprend, elles cherchent à obtenir un revenu fixe. A trois, on arrive à se remplacer, donc pour faire la jointure sur quelques jours ou une semaine ça va.
Quels types de soins faites-vous ?
On a un peu de nursing le matin (chimio, sondage…), mais on alterne entre soins d’hygiène et soins techniques. On mixe pour que personne ne s’ennuie. A Lyon avec tous les hôpitaux, c’est possible de faire du mono soin : certains cabinets ne font que des tournées de pansements ou de perfusions, car ils sont proches de prestataires.
Quel est ton rythme de tournée de soins ?
On commence entre 6h30 et 6h50 pour les premiers patients et on finit une dyalyse vers 12h-12h30 et on reprend pour la dialyse à 16h jusqu’à 20h.
Avec le Covid on vient d’annonce la fin des dotations en octobre. Comment fais-tu pour maintenir les stocks au cabinet ?
Déjà, on n’a pas oublié d’aller chercher nos dotations en masques chaque semaine pour nous trois. Je porte toujours le masque en visite à domicile et on demande à chaque patient de porter le sien. Notre collègue regarde aussi régulièrement sur Internet si on peut trouver des masques et des gants. Dès qu’on en voit on fait des stocks, donc notre cabinet est devenu un grand lieu de stockage. ?
Les spécificités lyonnaises pour les IDEL
Y’a-t-il des particularités à Lyon pour les infirmiers libéraux ?
Dans notre quartier, on a deux laboratoires très rapprochés. Ils ont deux infirmières qui réalisent des prises de sang à domicile. Donc on fait moins de prises de sang, mais comme ils sont débordés avec le Covid, nos patients nous demandent de les leur faire, donc on en refait.
Nous sommes à 5 minutes à pied du centre commercial, de la gare et de la tour de la Part-Dieu. Je suis en plein centre-ville de Lyon où il y a beaucoup d’entreprises. On ne sort quasiment jamais de ce secteur, à part éventuellement l’été, quand on s’ennuie. ?
Il peut nous arriver d’intervenir dans les hôtels ou appart hôtels pour des soins uniques. Ça m’est déjà arrivé de devoir faire des injections dans les toilettes d’une entreprise pour des programmes de FIV où dans un restaurant parce qu’un chef s’était blessé avec un couteau.
On fait tout à pied, donc on ne peut pas perdre trop de temps sur le transport. Il y a beaucoup de cabinets à Lyon donc il y a toujours un cabinet infirmier proche de chez vous. Si c’est exceptionnellement une demande de soin lors d’un weekend et que la personne n’a pas trouvé d’autre alternative, on peut accepter de sortir de notre secteur, mais le lundi on lui demande de prendre une IDEL proche de chez lui.
C’est chronométré comme du papier à musique, tu fais comment pour te rappeler de tout ?
L’appli CBA, notre appli métier est mon pense-bête. Dans l’appli tu as une zone où tu marques ce que tu veux. On y annote tout, car parfois nos tournées ressemblent à des labyrinthes ou des escape game : la sonnette, l’étage, le code, la porte 1, le code 1, la porte 2, code 2… s’il y a des chiens, etc. On note tout au 1er passage puis on s’en souvient ensuite. Il y a une époque où je me rappelais tous les codes par cœur. Mais là, c’est la faute à CBA, l’appli retient tout pour moi ! ^^
As-tu une anecdote particulière à partager sur les tournées à Lyon ?
Il y a des rats qui courent sur le trottoir le matin qui font les poubelles. Parfois ils sont gros et ils n’ont pas peur, ils passent très proche. N’ayez pas peur des rats quand vous venez à Lyon ! :p
L’entente est-elle bonne sur ton secteur entre infirmières libérales ?
Oui, dans une maison de retraite, nous sommes deux cabinets infirmiers à intervenir. On se croise souvent, mais on s’entend bien et on se refile des soins dès que nécessaire.
Quand tu t’installes à Lyon, tu es obligée d’être dans ton secteur, où tu peux habiter ailleurs car les loyers en plein centre ne sont pas donnés ?
A 5h00 du matin, il n’y a pas trop de circulation. J’habite Villeurbanne et je travaille dans le 3ème. Ça le fait ! Ce qui n’est pas jouable, c’est de faire des tournées en voiture où sur plusieurs secteurs éloignés. Personnellement, je vais en voiture au cabinet, puis je loue un garage sur place et je fais le reste à pied. Avant on faisait même les tournées en trottinette, mais avec les travaux et quelques belles gamelles, je me suis fait peur, donc j’ai arrêté. Il faut de bonnes chaussures, de bonnes baskets c’est hyper important. On fait quand même 10km sur des petites tournées et on grimpe jusqu’à 15 étages.
Infirmière libérale et engagée pour sa profession
Tu es syndiquée et tu nous as parlé du maillage thérapeutique, des éclaireurs via ton URPS, peux-tu nous en dire plus ?
Le projet des éclaireurs est un réseau de veille auquel je participe en tant qu’infirmière libérale. Concrètement, dès qu’il y a un incident avec hospitalisation ou pas, je le signale pour obtenir des statistiques. Cette veille va permettre de montrer que l’on est un support important dans le système de soins. A chaque fois que j’ai un patient qui tombe, j’agis, et quand j’ai fini, je fais un signalement sur le sexe, l’âge de la personne et j’explique ce qu’il s’est passé et j’envoie le signalement à l’URPS. Je n’ai pas encore eu de retour sur ce projet, mais on ira à une prochaine réunion d’information avec ma collègue. C’est bien de pouvoir participer !
Quand j'aurais validé et fini la formation dédiée, j'espère pouvoir rejoindre le réseau de soin avec le centre Léon Bérard qui commence à instaurer une éducation thérapeutique pour les gens qui sont en thérapie génie. Je suis donc cette formation pour intégrer ce réseau-là. (Autonomie des patients sur les cures de chimio à domicile et toute la thérapie cancéreuse).
Le fait d’être syndiquée, cela t’apporte quoi ?
Je pense qu’il faut que l’on soit représentés et je pense que c’est fini l’exercice toute seule dans son coin. Durant le Covid, on s’est retrouvées à deux et on s’est rapprochées de l’URPS pour réaliser des tournées Covid. On avait 2 tournées pour deux et puis je me suis blessée donc nous avons dû arrêter.
Les syndics apportent des infos sur les nouveautés, les aides et avec les réseaux sociaux on a complété. Je pense qu’il y a plusieurs syndicats et donc forcément un qui convient à chaque infirmière.
Dans le même sens, côté formation, je suis aussi allée il n’y a pas longtemps à une réunion d’information de la Sécurité Sociale par rapport aux rejets et codes de rejets : comment faire pour ne pas avoir trop de rejets, comment traiter par rapport au code que l’on recevait… Cela m’a toujours stressé et c’est bien d’avoir un échange avec la sécu entre eux et nous, c’est sympa.
Tu es aussi ambassadrice pour le logiciel My Agathe e.motion.
Lors du lancement du logiciel infirmier libéral il y a 3-4 ans, j’ai été recrutée comme ambassadrice par CBA Informatique. On cherchait des gens pour aider à développer le nouveau logiciel et j’avais répondu à l’annonce, car pour moi, le dossier de soin n’était pas assez étoffé et je trouvais ça dommage.
Cela a été un vrai bonheur de travailler sur ce projet, car ça permet de faire avancer notre pratique quotidienne, de gagner du temps sur des petites choses pas toujours importantes. On a des mémos, je n’ai plus d’agenda papier, plus de dossier de soin papier, je fais tout avec mon appli logiciel. On prend des photos et c’est un gain de temps pas possible. Cela m’a permis de ne pas être passive et de dire ce que je voulais. C’est un échange et on rencontre d’autres infirmiers de partout en France qui ont des pratiques différentes. C’est sympa de voir autre chose et de confronter nos points de vue. ? On peut donc s’engager dans sa profession, faire des formations, et ne pas rester solo en libéral. Il faut faire avancer les choses si on veut que ça aille mieux ?
Un dernier mot pour les infirmières et infirmiers qui souhaitent s'installer en libéral à Lyon ?
Avant de s’installer il faut faire une étude de marché, s’assurer que celles déjà en place ont déjà du boulot et voir si elles peuvent en donner. Je pense qu’il y a des endroits sur Lyon où il n’y a pas de cabinets, mais si il y a déjà 3-4 cabinets, c'est vraiment compliqué de s’installer en libéral. Il y a des cabinets qui font des secteurs d'arrondissements limitrophes comme le 7 et le 8. Mais pour le coup, quelqu’un qui veut faire tout les arrondissements lyonnais, c’est clairement impossible.
Un dernier mot ?
Je passe le coucou à mes deux collègues. Je trouve que l’on forme une super équipe. Il nous est arrivé plusieurs fois qu’une d’entre nous reste avec un patient en fin de vie et que les deux autres prennent le relais pour finir sa tournée afin qu’elle reste avec la patiente et ça c’est vraiment super de pouvoir compter les unes sur les autres ! 🙂