Le retour à domicile d'un patient, fait partie des situations quotidiennes que les infirmières libérales gèrent, avec plus ou moins de facilité. Je vais vous raconter l'histoire de Pasto.
Plantons le décor...
Pasto (c'est un surnom) est un monsieur de 75 ans, figure haute en couleurs de la commune rurale de 1200 habitants où j'exerce. Tout le monde le connaît. Il « picole » pas mal, il est célibataire, un peu rond, mange mal, pas très soigné pour ne pas dire avec une hygiène douteuse et donc fatalement fini dans notre tournée pour une prise en charge.
Il habite le rez-de-chaussée d'une maison HLM, qui compte 4 autres logements. Côté entourage, il a une soeur qu'on peut contacter si besoin, qui n'habite pas à côté et plein de copains.
Il n'en a plus l'air, mais c'est un ancien sportif, il jouait au foot et faisait du vélo, activité qu'il adore, il suit toutes les courses à la télé, aime en parler et a même des bouquins sur le vélo. Mais il marche doucement et tombe régulièrement surtout quand il a bu. Il traverse la grande route à la vitesse d'un escargot et je lui ai même donné un gilet « jaune » pour ses déplacements de nuit, plus d'une fois mes collègues et moi-même ont failli le renverser.
Il rouspète, bougonne pour ses soins, ne respecte pas nos consignes d'hygiène, tâche ses pansements? Bref pas simple le bonhomme mais attachant quand même.
Il est capable de t'avoir cueilli une fleur dans la cour pour te l'offrir, te donne des gâteaux que tu acceptes mais que surtout tu ne manges pas (pas frais du tout), il est ému lorsqu'il parle de sa maman disparue, te raconte des anecdotes du temps d'avant et crie haut et fort que tous les médecins sont des ânes !
Sa santé se dégrade et entraîne une hospitalisation. J'arrive à avoir quelques nouvelles et on ne sait pas quand il sort, ni s'il rentre à domicile. Les relations avec le service de médecine de l'hôpital proche sont nulles et quasi inexistantes.
Le retour?
Un après-midi vers 14h, j'étais en pause avant de repartir à 17h, le téléphone du cabinet sonne : « Bonjour, c'est Nicole, la voisine de Pasto. Il est là dans le hall de l'immeuble, on ne peut ouvrir la porte, il n'a pas de clé. L'ambulancier est venu sonner chez moi, on l'a assis sur une chaise. »
Bien-sûr, tout le monde ici me connaît, connaît mon cabinet et mes collègues et on a tendance à nous appeler pour tout !
J'y vais. L'ambulancier était encore là, très embêté et ne voulait pas le laisser tout seul, il y a des gens qui ont encore un peu de conscience professionnelle, mais il doit partir. Pasto est tout content de me voir et me gratifie d'un sourire désarmant. Il ne sait pas où est sa clé, ses affaires sont dans un sac poubelle, il est à peine habillé, avec un bas de pyjama et une chemise trop petite.
Bon, je pense que les aides à domicile ont une clé, j'en contacte une ou deux (j'ai quelques numéros de portable, c'est utile), sans succès. J'appelle le service de maintien à domicile, je tombe sur Marie-Michèle, une Perle qui me dit « je vais te trouver la clé ». Un serrurier me direz-vous ? On est loin d'une grande ville et puis qui va payer ?
Pendant ce temps, je rumine, en tenant compagnie à Pasto qui fatigue, et ma pause qui passe? Marie-Michèle me rappelle, elle a joint l'AVS qui a la clé, elle est au boulot dans une autre commune et va chercher la clé pour me la déposer. J'essaye de joindre la cadre infirmière du service, elle est en réunion? Comme d'habitude.
Au bout d'une heure, Marie-Michèle qui est la responsable des AVS arrive avec la clé ! On installe Pasto dans son lit, je demande à Marie-Michèle les repas à domicile car il faut qu'il mange aussi. De rage je rappelle l'hôpital pour leur dire ma façon de penser, une sortie ça se prépare et s'organise !!
Je tombe sur une infirmière qui me passe l'aide-soignante qui me dit que la clé est dans la trousse de toilette qui est dans le sac poubelle qui lui sert de bagage !
Les bras m'en tombent, je n'ai même pas culpabilisé de ne pas avoir eu idée de fouiller le sac.
Écrit par Veronique, IDEL dans le Finistère