Jean-Pascal, infirmier du bassin bordelais, nous parle des indemnités kilométriques et quelques conseils pour éviter les indus et se simplifier la vie !
Moi qui travaille en zone rurale depuis presque 30 ans, je suis, ou du moins, j’étais familiarisé à la facturation des IK (indemnités horokilométriques). Les IK (0.35 €/km) justifient le déplacement au-delà des 4 Km (2 Km aller-2 Km retour) que constitue l’IFD (Indemnité Forfaitaire de Déplacement), indemnisé, lui, à 2.50 €.
Mais depuis ces dernières années, les cabinets infirmiers se sont installés autour de moi, ou plutôt dans les communes environnantes, répondant à une offre de soins en augmentation et un bassin de population sortant de la périphérie bordelaise au vu des tarifs fonciers…
Une ombre sur nos déplacements
ACTE 1
Les IK se calculent en étoile par rapport à la localisation du cabinet.
En 2016, la CPAM de Savoie, puis celle de la Drôme, sans concertation, ont décidé de relire la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) et de ne plus rembourser les IK des IDEL que de patients à patients… !
Tableau de la CPAM de la Drôme
Il a fallu que les IDEL se regroupent (presque 200) et fassent la grève des déplacements pour que les institutions plient. Notre ministre bien aimée de l’époque Marisol Touraine avait d’ailleurs soutenu l’action de la directrice de la caisse de Savoie ! Il a fallu un travail commun de la part des syndicats et des associations constituées pour défendre, avec fermeté et opiniâtreté, cette cause. La directrice de cette CPAM menaçait les IDEL qui résistaient de procédures pénales !
- Or, notre déplacement est bien intitulé « indemnité », ce qui lui donne valeur de forfait et donc pas un remboursement de frais réel.
- Ensuite, le calcul que souhaitait valider la caisse était tout simplement impossible à mettre en place, les rapprochements des patients et leur ordre de passage dans une tournée d’IDEL, est régi par des arrangements avec le patient, des obligations d’horaires thérapeutiques (insulines), des temps de soins différents suivant les jours, les passages des autres professionnels de santé (Kinés, ambulanciers, etc.)
- Et pour finir, nous subissons déjà une compensation horokilométrique ridiculement basse au regard des autres professions de santé, notamment lorsque nous cumulons l’achat, l’entretien du véhicule et les frais de carburant, nonobstant les difficultés de terrain et climatiques, alors que nous faisons plus de domiciles que toutes les autres professions paramédicales réunies.
Il aurait d’ailleurs fallu accepter la proposition de la CPAM, finalement… Mais à la seule condition que cela soit imposé aux médecins aussi ! Nous aurions alors eu la garantie que cela ne serait jamais passé. (Réflexion personnelle)
Il faut donc tout de même se rendre compte qu’une caisse peut s’arroger le droit d’une relecture, voire redéfinition des termes d’une convention, ou d’une nomenclature !! Donc, soyons vigilants, mais surtout solidaires !!!!!!!!!
ACTE II
Sur les petits livrets roses ou rouges que nous délivrait la CPAM avant l’ère du numérique, et aujourd’hui dans Ameli, on trouve dans le cadre conventionnel :
« Le remboursement accordé par l’Assurance Maladie pour le déplacement d’un infirmier ne peut excéder le montant de l’indemnité calculé par rapport à un infirmier, se trouvant dans la même situation à l’égard de la convention, dont le domicile professionnel est le plus proche de la résidence du patient. »
En gros ils remboursent à la hauteur du déplacement de l’infirmier le plus proche (Sauf cas PRADO).
Et bien sûr, les cabinets fleurissants dans les communes limitrophes, j’ai sectorisé mon activité et limité mes déplacements longs et du coup arrêté de facturer les IK. Mais, une autre condition est nécessaire à sa prise en compte :
« La résidence du patient et votre lieu d’exercice professionnel ne sont pas situés dans la même agglomération »
Et là il y a deux façons de comprendre le sens de la phrase et du terme « agglomération ». Admettons donc, dans une commune très étendue, avec un seul cabinet infirmier, un patient habitant un lieu-dit à 12 Km du dit cabinet.
1/ d’après les conditions décrites, je comprends que le patient habitant sur ma commune d’exercice, je ne peux pas prendre d’IK ! le déplacement est donc rétribué 1IFD= 2,50 € !!
2/ ou alors, je comprends que le patient habite certes un lieu-dit de ma commune d’exercice, mais à 12 Km du panneau d’entrée du bourg ; et du coup, comme on dit, « hors agglomération ». Et dans ce cas, je compte l’IK au-delà des 2 km que facture l’IFD.
Voilà les deux lectures possibles de ce texte que certaines caisses appliquaient à leur avantage, en infligeant un indu systématique à la facturation de l’IK. Les choses ont changé, le 5 décembre 2018, depuis que la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a dans son arrêt, précisé clairement la définition du terme « agglomération » pour le calcul des IK.
Le problème juridique était donc :
- Déterminer les limites d’une agglomération.
- Préciser à partir de quand le cabinet IDEL n’est plus situé sur la même « agglomération » que le patient
En fait, la CPAM retenait comme définition celle de l’INSEE, qui décrit « l’unité urbaine ». [Commune ou ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas plus de 200 m entre les constructions) et de plus de 2000 hab.]
La cour d’Aix-en-Provence retient celle du Code de la route (art R 110-2) : [Agglomération : espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l’entrée et la sortie sont signalées par des panneaux placés à cet effet le long de la route qui le traverse ou qui le borde.]
On retient donc qu’une même commune peut comporter plusieurs agglomérations (lieu-dit, hameau…) et qu’elle est circonscrite aux panneaux qui signalent son entrée ou sa sortie.
Pour résumer par des exemples :
- Sur votre commune d’exercice, vous visitez un patient, qui habite dans un lieu-dit appartenant à cette commune, distant de 10 km
→ Facturation d’un IK [10-2 (IFD) = 8 x2 (aller-retour) = 16 × 0.35 = 5.60]
- Votre patient habite à 15 km de votre cabinet, sur la commune voisine, et à 4 km du cabinet le plus proche.
⇉ Vous pouvez ajouter [4-2 = 2×2 = 4×0.35 = 1.4]
NB : En montagne, le coefficient est 0.5 à partir de 1 Km
On comprend donc que dans les villes et communautés urbaines, les IK sont difficiles à compter, car en général, de par la répartition des cabinets concurrents avec les communes-agglomération qui se touchent, au cabinet le plus proche, on est rarement au-dessus de 2 km.
Mais en zones rurales et semi-rurales, sorti du panneau barré du nom de la commune, vous êtes « hors agglomération » et les IK peuvent s’appliquer, même si votre patient habite sur votre commune d’exercice !
Dans votre logiciel
Dans My Agathe e.motion, vous indiquez dans le dossier patient le nombre de kilomètres aller-retour cabinet-patient.
La création d’une ordonnance reprendra par défaut l’information, ou alors, on peut inscrire directement sur l’ordonnance lors de sa création, mais cela ne sera pas reconduit sur la suivante si on ne l’a pas fait à partir du dossier patient.
Le logiciel fait lui-même la soustraction des kilomètres dévolus à l’IFD !
Conclusion
Il faut absolument que l’infirmière libérale soit payée à la hauteur de ses fonctions, dans le tissu social et sanitaire d’aujourd’hui, a fortiori lorsqu’elle se déplace au chevet de ses patients. Nous parlons donc bien d’indemnité Horo-Kilométrique, induisant la notion de temps passé dans son moyen de locomotion, sur une base forfaitaire.
Le glissement des soins vers le domicile, inhérents aux techniques ambulatoires, impliquera toujours notre présence au domicile des patients. On peut juste discuter de l’opportunité de réaliser la prise en charge des soins infirmiers à notre cabinet, lorsque le déplacement du patient est possible. Mais elle ne sera jamais aussi rentable que celle du kiné qui prend 4 patients en même temps !
Introduire un kilométrage dans un logiciel est simplissime et aujourd’hui le cadre le permet tel que décrit ci-dessus. Surtout ne vous en privez pas… !
Il est à préciser que les indemnités horokilométriques représentent un défraiement et non une rémunération.Vu l’évolution de ce défraiement ces dernières années en rapport à léévolution des chargesque constitue le véhicule les caisses peuvent continuer à étrangler les pros de terrain.Le sujet rebondit en ce moment dans les zones montagnes où beaucoup de collègues préfèrent jeter l’éponge.