Quand on décide de s’installer en libéral, il y a une question qui revient toujours en premier : où s’installer ? Cette décision conditionne non seulement la faisabilité administrative du projet, mais aussi sa rentabilité à court et long terme. Choisir sa zone d’installation infirmière libérale, ce n’est pas simplement cocher une case sur une carte de l’ARS : c’est un acte stratégique, parfois irréversible, qui mérite d’être mûrement réfléchi. Et pourtant, nombreuses sont celles et ceux qui se lancent un peu à l’aveugle, sans avoir pris le temps d’éviter certaines erreurs fréquentes, mais lourdes de conséquences. Voici comment les éviter !
1️⃣ Se fier uniquement à la carte du zonage publiée par l'ARS : une erreur courante
La carte du zonage infirmier, publiée par l’ARS et consultable sur CartoSanté, donne une première indication : elle classe les territoires selon leur densité en professionnels de santé et leur accessibilité aux soins infirmiers. Zones très sous-dotées, sous-dotées, intermédiaires, sur-dotées… on croit parfois qu’il suffit de choisir une zone colorée en rouge pour être tranquille. Or, cette lecture est simpliste. D’abord parce que la carte est mise à jour tous les trois ans : une zone sous-dotée aujourd’hui peut basculer rapidement. Ensuite parce que ces classifications sont faites à l’échelle de bassins parfois très larges. Deux rues d’une même commune peuvent avoir des réalités totalement opposées en termes de besoin de soins.
2️⃣ Oublier l’étude de la concurrence locale
Beaucoup de jeunes IDEL s’installent dans une zone administrativement favorable… sans regarder qui y travaille déjà. Combien de cabinets existent ? Quels sont leurs horaires ? Quelle patientèle visent-ils ? Font-ils de la perfusion, de la pédiatrie, du nursing lourd ? Ces éléments changent tout. Une zone d'installation infirmière libérale peut être sous-dotée officiellement, mais saturée dans les faits parce qu’un cabinet bien implanté couvre déjà tous les besoins. À l’inverse, certaines zones dites intermédiaires sont bien plus intéressantes car la concurrence y est vieillissante ou en transition.
3️⃣ Ne pas anticiper les besoins de la population
On a tendance à s’installer là où on habite, là où c’est joli, ou là où on a des attaches familiales. Mais a-t-on vraiment regardé les données INSEE ? Quel est l’âge moyen des habitants ? Y a-t-il une proportion importante de personnes dépendantes ou en ALD ? Des établissements médico-sociaux à proximité ? Une maison de santé (MSP) en cours de création ? S’installer dans un village dynamique sur le papier, mais avec une population jeune et mobile n’a pas grand intérêt si votre activité repose essentiellement sur les soins à domicile chroniques.
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4️⃣Sous-estimer les contraintes d’une zone sur-dotée
La tentation est parfois forte de s’installer dans une zone sur-dotée, parce qu’elle est bien située, proche d’une ville, avec des commodités. Mais ces zones sont fermées à l’installation libre. Il faut soit obtenir une dérogation (rare), soit reprendre un conventionnement via un contrat de cession. Cela implique de trouver un titulaire qui part à la retraite ou vend ses parts. Le processus peut prendre des mois, voire un an. Il exige aussi de bien comprendre les modalités du contrat, les droits et obligations que vous reprenez. Un mauvais contrat peut ruiner un bon projet.
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5️⃣ Négliger les coûts cachés liés à l’environnement
Certains pensent qu’installer un cabinet dans une zone rurale est toujours plus économique. Pourtant, les coûts indirects peuvent être lourds : kilomètres à parcourir chaque jour, frais d’essence, d’usure du véhicule, temps de trajet non facturé, difficulté à mutualiser les gardes ou à prendre des vacances. À l’inverse, certaines zones urbaines offrent une densité de soins élevée sur un périmètre réduit, ce qui améliore la rentabilité horaire même si les loyers sont plus élevés. Il ne faut jamais raisonner uniquement en loyer mensuel, mais en rapport entre les charges fixes et le potentiel de chiffre d’affaires généré.
6️⃣ Omettre les aides à l’installation et les conditions d’attribution
Les aides à l’installation, notamment dans les zones très sous-dotées, peuvent être très attractives : contrat incitatif de l’ARS, exonérations fiscales, aides à l’équipement… mais elles ne tombent pas du ciel. Pour en bénéficier, il faut déposer un dossier, respecter certaines conditions (engagement sur plusieurs années, exercice à temps plein, etc.) et parfois être titulaire et non remplaçante. De nombreuses IDEL passent à côté de ces aides par manque d’anticipation ou parce qu’elles ont déjà signé un contrat de collaboration incompatible avec ces dispositifs. L’erreur ici, c’est de ne pas se faire accompagner en amont, par exemple par une URPS ou une association de promotion du libéral.
7️⃣ Ignorer les implications à long terme de son choix
S’installer en libéral, c’est s’ancrer dans un territoire pour plusieurs années. Même si la mobilité est possible, elle n’est pas simple : changer de zone implique souvent de renoncer à une patientèle construite avec le temps, de reprendre des démarches lourdes, de tout recommencer. Le choix de la zone d'installation infirmière libérale ne doit donc pas être opportuniste, mais cohérent avec votre projet de vie : souhaitez-vous travailler seule ou en équipe ? Vous spécialiser ? Accueillir un(e) remplaçant(e) ? Évoluer vers une MSP ou un exercice coordonné ? Un bon choix de zone aujourd’hui est celui qui ouvre des portes demain.