Ils sont infirmiers libéraux et ils interviennent en renfort auprès de résidents d'EHPAD depuis le début de la crise sanitaire. Nous avons cherché à comprendre concrètement comment fonctionnaient les mesures dérogatoires de soins infirmiers via leur témoignages.
covid-19 : les mesures dérogatoires pour les soins infirmiers en Ehpad
La mobilisation des IDEL en EHPAD
Dans le cadre de la crise sanitaire du Corona virus et afin de faciliter et d’accompagner le personnel des EHPAD pour la prise en charge des résidents, un certain nombre de mesures d'intervention dérogatoires ont été accordées aux infirmiers. Ces mesures de mobilisations infirmières sont prolongées jusqu'au 31 décembre 2020, selon le site Ameli. De nombreux IDEL se sont ainsi portés volontaires pour gérer des patients en EHPAD.
Vers un gain de temps administratif pour les IDEL avec le forfait
Côté administratif, les IDEL peuvent être rémunérés par le biais d'un forfait. Passer par un forfait à la demi-journée rémunéré 220€ pour 6 heures est bien plus avantageux pour les IDEL, que la facturation par acte qui nécessite une gestion administrative chronophage. La procédure du forfait est assez simple : il faut signer un formulaire papier entre l'établissement et l'IDEL stipulant le nombre de demi-journées travaillées. Ce document est adressé par l'établissement à l'ARS et c'est la CPAM qui paye directement l'infirmier ou l'infirmière.
Infirmiers libéraux en EHPAD, ils témoignent
Renfort en EHPAD, j'aime mon indépendance en tant qu'infirmier libéral
David est infirmier libéral dans l'Oise, il intervient dans deux établissements de soins depuis la crise du Corona virus. Pour la première structure, il a été directement contacté par le directeur et pour l'autre, par le biais d'une connaissance qui y travaille. Quand on lui demande ce qu'il pense de cette expérience et s'il la recommande à d'autres infirmiers libéraux, il répond :
Cette expérience nous a permis de relativiser et de nous sentir utile. On se considère comme un renfort au sein des équipes des établissement et puis, les soins réalisés en EHPAD ne changent pas de ceux pratiqués dans notre cabinet. Nous avons malgré tout une expertise différente quant au suivi de plaies à domicile. Ça m’a également permis de me conforter dans l’idée que je ne pourrais plus travailler en équipe et que même si parfois la solitude pèse en libéral, je suis beaucoup mieux seul dans ma voiture... Plus sérieusement, il n’y a qu’un seul laboratoire qui travaille avec l’EHPAD, du coup, nous travaillons avec peu de références, on fait avec ce que l’on trouve. Ce n’est pas ma vision de la qualité de soins.
Nous nous sommes aussi intéressés à la gestion administrative de cette activité supplémentaire :
"Concernant la facturation des soins, j’avais deux options, soit coter à l’acte, mais ça me semblait un gouffre administratif, ou bien en fonctionnant au forfait. J'ai opté pour cette deuxième option. Cette activité en sus de mes tournées de soins au cabinet m'ont effectivement permis d'augmenter mon chiffre d'affaires."
IDEL en EHPAD, j'ai constaté une différence entre le public et le privé
Cindy est infirmière libérale dans le Nord. Grâce au bouche-à-oreille, elle a appris que les EHPAD avaient besoin de renfort durant la crise du Covid et elle s'est portée volontaire. Elle intervient dans 2 établissements ; un privé et un public. Son renfort était sensé être temporaire au départ, puis il est devenu régulier... Un sms du directeur d'un établissement et elle intervient encore aujourd'hui quelques jours par-ci, par-là, quand elle le peut :
Dans l'une des structures où j'interviens, l'objectif au départ était de créer une équipe de renfort Covid pour soigner les patients isolés dans une unité à part pour éviter de mélanger tout le monde. Par chance, nous n'y avons jamais eu de cas. Je suis donc intervenue sur des patients sains pour tous types de soins techniques et médicaments, prise de sang, pansement, etc. en apportant mon approche d'IDEL.
La grande différence en structure c'est que lorsque un pansement ne marche pas, c'est le médecin qui intervient, c'est très cadré. Alors qu'en libéral, tu es toute seule, c'est toi l'experte, tu es formée pour et grâce à plus de souplesse et de confiance du médecin, c'est toi qui réagis pour changer le protocole de soin. Je me suis donc sentie coincée par moment pour intervenir, j'avais moins de liberté, surtout dans la structure publique. Dans la structure privée, mon intervention était mieux reçue.
Cindy remarque également l'inconvénient des contrats figés avec des laboratoires qui proposent des gammes de matériel restreintes. Selon elle, chaque matériel ne fonctionne pas pareil pour tout le monde. Il vaut mieux de la diversité. Elle souligne aussi le fait que l'environnement de travail est très important pour elle et surtout la façon de travailler des équipes de structures auprès desquelles elle intervient. Elle comprend donc tout à fait que certaines expériences puissent convenir à certains et pas à d'autres IDEL. Enfin, elle explique qu'elle a choisi d'intervenir, mais sans sacrifier ses patients, ni sa vie de famille.
Côté facturation, il lui paraissait compliqué d'intégrer toutes les nouvelles cotations, surtout avec les nouveautés du BSI, les nouveaux actes de suivi Covid et vu que les médecins ne passaient plus en EHPAD durant la crise, il aurait été compliqué de facturer des actes qui n'avaient pas été prescrits. Elle est donc, elle aussi, passée par le forfait.
Suite à ces retours d'expérience, on sent bien le besoin d'indépendance qu'ont David et Cindy. Bien qu'ils ne regrettent pas leur engagement auprès des EHPAD, leur liberté et la confiance que leur font les médecins dans la prise en charge de certains patients en libéral diffère certainement de celle accordée en structure de soins où l'avis du médecin prime. Certaines structures ont aussi moins de marge de manœuvre du point de vue matériel et de qualité de soins. ET vous, êtes-vous également intervenu.e en EHPAD ? Témoignez en commentaires 😉