Gérer les soins particuliers : l’expérience de Louna, infirmière libérale depuis 15 ans

Gérer les soins particuliers : l’expérience de Louna, infirmière libérale depuis 15 ans

Soin particulier ? De quoi parle-t-on ? Avec 15 ans de tournées au compteur, Louna n’est plus une novice. Pourtant, il lui arrive encore d’être surprise, parfois déstabilisée, face à ce qu’on appelle les soins particuliers. Ces soins rares, techniques ou simplement hors de la routine quotidienne, peuvent bousculer même les plus expérimentées. Mais avec le temps, elle a appris à les aborder avec méthode, calme et curiosité. Elle nous raconte comment elle s’organise, ce qu’elle a appris, et ce qu’elle dirait aux jeunes IDEL qui se retrouvent, du jour au lendemain, face à un acte qu’elles n’ont jamais pratiqué.

Qu’entendez-vous par "soin particulier" dans votre pratique ?

"Pour moi, un soin est particulier dès qu’il sort du cadre classique des soins que l’on fait quotidiennement, comme les prises de sang, les pansements simples ou les injections courantes. Cela peut être un soin que l’on rencontre très rarement, comme une dialyse péritonéale, une perfusion de médicament en intraveineux sur pompe portable, ou la pose d’un pansement VAC. Il peut s'agir par exemple d’un traitement par cycle automatisé pour dialyse, d’une perfusion via pompe CADD nécessitant un débit programmable, ou d’un pansement VAC réglé à 125 mmHg en continu avec mousse noire et tubulure connectée à un aspirateur de drainage.

Mais cela peut aussi concerner des situations plus floues : un protocole hospitalier mal expliqué, une prescription particulière, ou encore des soins dans un contexte humain ou psychologique très particulier.

J’ai par exemple été amenée à intervenir chez un patient atteint d’une maladie neurologique dégénérative très rare, avec un appareillage spécifique (canule de trachéotomie, filtre HME, sondes d’aspiration stériles, pompe d’aspiration portable) et un besoin d’accompagnement très fin sur le plan émotionnel. C’est là que l'on mesure l’importance d’être adaptable et de savoir sortir de ses automatismes."

Le pansement VAC (ou TPN pour thérapie par pression négative) est un soin complexe qui nécessite une formation préalable. Il est recommandé de suivre un module spécifique DPC ou une formation en ligne avant toute prise en charge.

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Comment réagissez-vous quand on vous appelle pour un soin que vous ne connaissez pas ?

"Je ne vais pas mentir : même après toutes ces années, mon premier réflexe, c’est souvent un petit moment de doute. Je me demande si je suis la bonne personne, si je vais savoir faire, si je ne risque pas de faire une erreur. Mais très vite, je repasse en mode professionnel. Je commence par relire attentivement la prescription de ce soin particulier, je me renseigne sur le protocole, et surtout, je cherche à en savoir plus : je contacte l’hôpital si le patient en sort, je parle avec la famille, j’échange avec mes collègues.

Il m’est arrivé de passer une soirée à étudier un protocole envoyé par mail avant d’accepter une prise en charge. C’était une perfusion d’Injectafer sur 30 min via Midline. J’ai imprimé la procédure, vérifié le matériel (tubulure, robinet 3 voies, NaCl, compresses stériles), et noté les étapes : désinfection en 4 temps, rinçage post-perfusion, surveillance des constantes. Je préfère prendre un peu de temps et faire les choses bien, plutôt que de me précipiter dans un soin que je ne maîtrise pas complètement. La sécurité du patient reste ma priorité."

Le réseau de coordination ville-hôpital (Infirmiers de coordination, CPTS, plateformes territoriales d'appui…) peut vous épauler sur certains soins complexes. Pensez à les solliciter si vous vous sentez seule.

Quels outils vous aident à faire face à ces situations ?

"Ma première ressource, c’est le réseau. Je fais partie de plusieurs groupes d’infirmières sur WhatsApp, Facebook et je n’hésite jamais à poser une question, même simple. Il y a toujours quelqu’un qui a déjà rencontré ce soin particulier et qui peut me donner des conseils très concrets.

Ensuite, je m’appuie beaucoup sur les documents hospitaliers : les fiches protocoles, les ordonnances précises, parfois même les tutoriels vidéos que certains services spécialisés acceptent d’envoyer. Ma solution de télétransmission joue aussi un rôle important. C'est un réel support pour moi pour certaines choses. J’utilise agathe YOU, et pouvoir retrouver facilement les ordonnances, les comptes-rendus, ou même poser une question via la messagerie sécurisée, ça fait vraiment la différence. Et puis j’ai pris l’habitude de me faire des check-lists avant d’aller chez un nouveau patient avec un soin particulier, histoire d’être certaine de ne rien oublier, ni en matériel, ni en gestes. Par exemple, pour une chambre implantable : aiguille Huber, seringue 10mL, bionettoyeur, compresses stériles, gants, film transparent stérile, sac DASRI renforcé."

Dans agathe YOU, vous pouvez ajouter des notes personnalisées au dossier patient pour y inscrire un protocole particulier, un rappel matériel ou une astuce utile. Pensez à l’utiliser comme carnet de bord pour vous et vos collaboratrices.

Avez déjà refusé un soin particulier par manque de formation ?

"Oui, et je pense que c’est important d’en parler. On ne peut pas tout faire, et ce n’est pas une honte de dire non. Il y a quelques mois, on m’a proposé de prendre en charge un patient avec une chambre implantable qui nécessitait des soins très techniques de désobstruction et de surveillance. Je ne m’étais pas formée depuis longtemps sur ce type de dispositif, et la prescription était un peu vague à mon sens. J’ai préféré décliner la prise en charge et orienter ce patient vers une consœur plus à l’aise. Il ne faut pas oublier que refuser un soin, ce n’est pas abandonner un patient, c’est faire preuve de prudence et de respect pour sa propre sécurité et surtout celle du patient. Et cela m’a motivée à m’inscrire ensuite à une formation pour ne pas me retrouver à nouveau dans cette position. Le soin en question impliquait la désobstruction d’une chambre implantable avec possible thrombus. Je n’avais pas le set complet (seringue de 10mL, NaCl, héparine dosée), ni la formation récente pour manipuler ce type de cathéter."

La HAS recommande que chaque IDEL évalue sa capacité à assurer un soin particulier en se posant 3 questions clés : Ai-je les compétences ? Ai-je les moyens ? Suis-je en sécurité ? Si une réponse est négative, mieux vaut différer ou orienter.Pensez à vous former !

Êtes-vous plutôt proactive en formation continue ?

"Complètement. J’essaie de suivre au moins deux formations DPC par an. J’ai récemment suivi un module sur les pansements complexes et un autre sur les traitements oncologiques à domicile. Ce sont des formats qui me conviennent bien, car je peux les suivre à mon rythme, parfois en soirée ou sur mes demi-journées de repos. J’utilise aussi beaucoup les formations en ligne courtes, de 30 à 45 minutes, qui permettent d’aborder rapidement un sujet spécifique. Et puis je discute aussi beaucoup avec les médecins traitants, les pharmaciens, les kinés… Travailler dans un pôle de santé pluridisciplinaire, ça aide énormément à rester à jour. J’ai aussi suivi un webinaire sur les soins post-chimiothérapie et un atelier pratique organisé par ma CPTS sur la gestion des pompes PCA à domicile."

Certains organismes de formation proposent des modules entièrement à distance, accessibles à tout moment. Des fiches de synthèse sont parfois disponibles gratuitement. Sans oublier La Ruche qui vous propose des webinar sur tous types de sujets !
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Avez-vous un souvenir marquant d’un soin vraiment particulier ?

"Oui, il y a deux ans, j’ai pris en charge un jeune patient atteint d’une pathologie auto-immune très rare. Il recevait un traitement expérimental en perfusion sous-cutanée à domicile, avec un protocole hyper strict. Je devais reporter les constantes dans une application du CHU (NomadeSanté) et utiliser un oxymètre de pouls connecté. Il fallait surveiller ses constantes avant et après, vérifier des symptômes précis et reporter les données via une application partagée avec le CHU qui le prenait en charge.

J'ai également le souvenir d'une petite fille que j'ai prise en charge à mes débuts qui était touchée par une tumeur pulmonaire primaire biphasique. C'est une tumeur rare qui provoque une détresse respiratoire aigüe sévère associée à un hémothorax. Elle avait un drain thoracique connecté à une valve Heimlich. Je devais surveiller les signes d’hémothorax et effectuer des aspirations douces si besoin.

C'étaient des expériences très techniques, mais aussi très touchantes humainement. On sent que l'on entre dans des soins “à part”, que l'on joue un rôle plus qu'essentiel dans la continuité thérapeutique. C'est ce genre de situation me rappelle pourquoi j’ai choisi ce métier."

Comment abordez-vous la relation avec les patients dans ces contextes de soins particuliers ?

"La transparence est essentielle. Je n’hésite pas à dire quand je découvre un soin, tant que je précise que je me suis renseignée et que je suis prête. Les patients apprécient cette sincérité. Et souvent, ils en savent beaucoup sur leur propre traitement. J’ai appris à écouter leurs habitudes, leurs ressentis, leurs astuces. Certains deviennent même pédagogues : ils vous montrent comment ils ont vu faire à l’hôpital, vous expliquent les effets qu’ils ressentent. C’est un vrai travail en binôme. Et cette relation, qui se crée dans la confiance et le respect, est précieuse. Une patiente m’a un jour appris à détecter une occlusion de tubulure sur sa pompe, rien qu’à ses sensations corporelles, avant même que l’alarme ne sonne. C’est ce genre de petits savoirs pratiques que j’écoute attentivement."

L'implication du patient est un levier précieux. Demandez-lui comment faisaient les infirmiers à l’hôpital ? ou qu’est-ce qui lui a semblé important dans la manière de faire ? Ces réponses vous guideront mieux qu’un protocole figé.

Quels conseils donneriez-vous à une jeune IDEL qui tombe sur son premier soin particulier ou inhabituel ?

"D’abord, je lui dirais qu’elle n’est pas seule. Même si d'apparence en libéral, on a l'impression d'être livré à soi-même. En réalité, il existe un énorme réseau d'infirmière dans le même cas que nous. Toutes sont forces de propositions et on s'entraide entre nous. Ensuite, il y a des ressources, des confrères et des consœurs prêts à aider. Je lui conseillerais de ne pas céder à la panique. De prendre le temps d’analyser, de s’organiser, de se former si besoin. Et surtout de ne jamais improviser un geste technique qu’on ne maîtrise pas. Chaque soin qu’on découvre est une occasion d’apprendre. Et c’est justement cette richesse et cette variété qui font la beauté du libéral. Je lui conseillerais aussi de se constituer un petit classeur ou un dossier numérique avec tous les protocoles reçus au fil du temps. Pansements complexes, perfusions, injections spécifiques, etc."

👉 Vous aussi, vous avez vécu des soins hors du commun en tant qu’IDEL ? Votre témoignage pourrait éclairer et rassurer d'autres infirmières libérales ! N'hésitez pas à les partager avec nous dans les commentaires !

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