Mélanie, infirmière depuis 25 ans et IDEL depuis 15 ans, travaille depuis 2019 sur un projet de CPTS à Bordeaux ! Pourquoi a-t-elle décidé de monter un tel projet ? Avec quels professionnels de santé ? Quel est leur mode de fonctionnement ? Quelles aides financières ont-ils eu pour le déploiement de cette CPTS ? Aujourd’hui, en tant que présidente de ce projet, elle nous partage son témoignage et répond à toutes nos questions !
Mélanie, comment décrirais-tu une CPTS ?
« Une CPTS (Communauté Professionnels Territoriale de Santé) est régie par un bureau et un comité administratif. Le bureau est composé de professionnels de santé du territoire. Le comité d’administration, quant à lui, est composé d’élus locaux, d’associations de patients, d’établissements de santé (hôpitaux, clinique), d’habitants et bien sûr de professionnels de santé (infirmiers, médecins généralistes, médecins psychiatriques, sages-femmes etc.). Nous travaillons avec la préfecture, les CCAS (Centre Communal d’Action Sociale), les PTA (Plateformes territoriales d’appui), etc.
L’objectif d’une CPTS est de créer une communauté autour d’un projet de santé pour répondre à des problématiques communes. La CPTS a 4 missions socles et 2 missions optionnelles. Dans les missions socles, nous avons par exemple une mission sur la crise sanitaire qui nous amène à avoir certains partenariats avec des écoles ou encore des universités. »
Pourquoi as-tu décidé de monter un projet de CPTS ?
« Créer ou rejoindre une CPTS est un projet initié par le gouvernement en 2018 avec la loi Ma Santé 2022. Le gouvernement demandait à ce que tous les professionnels de santé libéraux fassent partie d’une maison de santé ou d’une équipe de santé territoriale. Le but étant d’augmenter les liens, les échanges et la coordination entre les professionnels de santé sur un même territoire. »
Où et avec quels professionnels de santé montes-tu ce projet de CPTS ?
« La CPTS que je préside se trouve au Sud de la Métropole Bordelaise. Au départ, j’ai commencé à recruter pour la CPTS en discutant avec d’autres infirmières. Puis j’ai associé des pharmaciens de mon secteur qui ont à leur tour partagé le projet avec les médecins généralistes ! À savoir que les médecins sont plus difficiles d’accès, ils sont plus réfractaires et ils ont peur de se retrouver rattaché à la CPAM de leurs secteurs respectifs. Au fur et à mesure, nous avons constitué une petite équipe grâce au bouche à oreille mais également grâce au phoning. C’est comme ça que le projet de CPTS est né. »
Comment organisez-vous ce projet de CPTS ?
« Au départ, nous n’étions pas très nombreux alors nous faisions les réunions en présentiel pour se voir et discuter de vive voix en petit comité. Et puis, le Covid est passé par là… On a été contraint de faire plus de visio-conférences. Aujourd’hui, avec les groupes de travail, nous avons déposé notre lettre d’intention qui a été validée. Nous sommes donc en train d’écrire notre projet de santé. Aujourd’hui on mix les réunions en présentiel et en visio. Nous sommes étalés sur un grand territoire qui comprend 18 communes donc ça n’est pas toujours simple de pouvoir se retrouver tous ensemble en présentiel. Dans ce cas, pour les groupes de travail, nous privilégions la visio-conférence. »
Quel mode de fonctionnement souhaitez-vous pour votre CPTS ?
« Dans l’idéal, aujourd’hui, j’aimerais embaucher un coordinateur. Le coordinateur pourrait transmettre plus d’informations auprès des professionnels de santé. Il pourrait également répondre aux questions des habitants, des établissements. Car pour le moment c’est à moi et au reste du bureau, dont la secrétaire et le trésorier, de nous en occuper et c’est compliqué pour nous ! Nous manquons de temps parce que nous sommes souvent débordés par notre quotidien. Donc vivement le coordinateur pour pouvoir nous soulager ! Nous avons besoin de lui pour qu’il nous aide à réunir les groupes de travail, à communiquer et à mettre en place des actions pour la CPTS. »
Avez-vous eu des aides financières pour le déploiement de votre CPTS ?
« Alors à l’époque, la Gironde avait fait le choix de favoriser les Plateformes territoriales d’appui (PTA). Le financement était donc de 15 000 €. Mais cette année, pour les CPTS qui dépose leur lettre d’intention en Gironde, le budget est passé à 25 000 €.
Il fait savoir que c’est différents selon les territoires français. Certaines Agences Régionales de Santé (ARS) ont fixé un budget plus ou moins important. Par exemple, dans les Hauts-de-France, le budget alloué était de 76 000 € à une époque.
Les régions sont totalement hétérogènes d’une région et d’une ARS à l’autre en fonction des politiques locales. Il me semble qu’en Gironde, on fait partie d’une région très sous-dotées financièrement.
Aussi, les budgets varient et évoluent en fonction des années à force d’entendre les professionnels dire que 15 000 € c’est un budget assez restreint pour démarrer une CPTS ! Il faut pouvoir organiser des réunions, trouver un local pour se réunir, prévoir des dispositifs pour diffuser de l’information auprès des professionnels de santé avec un site internet, des flyers, etc. Avec un petit budget, ça devient vite du bénévolat et ce n’est pas vraiment le but puisque nous sommes tous des professionnels de santé avec des plannings chargés !
Monter un projet d’une telle ampleur avec autant de monde, cela peut vite devenir chronophage. Nous n’avons que 24h dans une journée donc c’est très compliqué si nous n’avons pas de financement pour pouvoir payer le salaire d’un coordinateur.«
Pour toi, qu’est-ce que les CPTS changent à la pratique des infirmières ?
« L’objectif de la CPTS est d’être informé de ce qu’il se passe pour les différents professionnels de santé et leur spécificités. Elle nous permet :
- d’orienter un patient vers le bon professionnels de santé plus facilement.
- d’être moins seul en cabinet en ayant plus de contacts vers qui se tourner face à un problème. Nous pouvons avoir une réponse plus rapide mais également avoir une oreille / une épaule sur laquelle se reposer.
- de pouvoir faire plus de prévention : au niveau infirmer, nous ne sommes pas forcément reconnus et payés pour faire de la prévention en dehors des vaccins. La CPTS nous permet de mettre en place des actions de prévention.
- de pouvoir faire connaître une association.
Dans l’idéal, grâce à la CPTS, j’aimerais :
- pouvoir accélérer les sorties de patients à l’hôpital.
- mieux organiser la sortie d’hôpital afin que les patients n’arrivent pas le vendredi soir sans savoir quels traitements ils doivent prendre et pour éviter de découvrir que le traitement est beaucoup plus lourd que ce que l’on pensait.
- fluidifier le parcours du patient, et nous faciliter la vie !
Que conseillerais-tu aux IDEL qui souhaitent se lancer dans un projet de CPTS ?
« Je conseillerais d’aller sur le site des CPTS qui est FCPTS.org pour aller voir la cartographie du territoire nationale afin de savoir s’il n’existe pas déjà une CPTS sur leur territoire. Si elle existe déjà, il ne faut pas qu’elles hésitent à la rejoindre car la CPTS n’est pas du tout là pour faire du soin, elle est là pour réunir les professionnels de santé et les habitants ! Donc elles ont tout à y gagner : que ce soit pour les formations, les connaissances, la reconnaissance… Il ne faut pas avoir peur de la CPTS parce qu’elle n’est pas là pour nous piquer du boulot ou pour nous rajouter de l’administratif ! C’est vraiment pour nous aider dans notre pratique.
J’aimerais aussi rajouter que si la CPTS n’est pas encore montée ou qu’elle est en cours de création, cela demande beaucoup de temps personnel et un investissement important ! Mais c’est un projet hyper riche ! C’est vraiment du partage d’informations et d’expériences dans le but de nous faciliter la vie dans le futur. Chaque réunion nous permet d’apprendre de nouvelles choses. »
Un grand merci à Mélanie pour son partage d’expérience !
Et vous, que pensez-vous des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) ? Faites-vous partie d’une CPTS ou avez-vous envie de créer une CPTS ? Partagez-nous votre expérience en commentaire.