En tant qu’infirmière libérale, vous êtes chaque jour au cœur de la relation de soin. Vous intervenez à domicile, souvent seule, face à des situations complexes, parfois intimes, parfois urgentes. Vous réalisez des actes techniques, mais surtout, vous accompagnez des personnes dans leur parcours de santé. Dans ce contexte, le recueil du consentement libre et éclairé n’est pas une formalité : c’est une exigence éthique, légale, humaine. La loi du 4 mars 2002 a inscrit ce droit du patient dans le Code de la santé publique. Et en 2025, la réforme infirmière récemment adoptée renforce votre rôle dans ce processus. Explications, cas concrets, textes de loi, chiffres récents… Voici tout ce que vous devez savoir pour pratiquer dans le respect du droit des patients au cœur du consentement des soins infirmiers.
Le cadre légal du consentement : ce que dit la loi en 2025
La loi reconnaît le consentement comme un droit fondamental depuis plus de 20 ans. L’article L.1111-4 du Code de la santé publique stipule que “toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.” Cela implique que vous ne pouvez réaliser aucune injection, aucun pansement, ni aucun soin sans avoir obtenu le consentement du patient. Ce consentement des soins infirmiers doit être donné librement, sans pression ni contrainte, et de manière éclairée, après une information loyale et adaptée. Le patient peut le retirer à tout moment, sans avoir à se justifier.
Ce principe est rappelé dans le code de déontologie infirmier, notamment à l’article R.4312-14, qui impose la recherche du consentement avant tout acte. Vous avez donc une obligation à la fois juridique et éthique d’informer, de respecter les choix, mais aussi d’évaluer la capacité du patient à comprendre ce que vous lui proposez.
En cas de non-respect de cette règle, votre responsabilité peut être engagée, y compris devant les juridictions civiles. En 2023, la MACSF a recensé 42 signalements liés à un défaut de consentement dans le cadre de soins infirmiers libéraux.
Informer pour mieux soigner : comprendre et recueillir un consentement éclairé
Le consentement éclairé ne se résume pas à la question “Vous êtes d’accord ?”. Il suppose une transmission d’informations sincère, claire et compréhensible, adaptée à la situation du patient. C’est à vous, en tant que professionnelle, d’évaluer si la personne :
- comprend l’objectif du soin (traitement, prévention, confort),
- connaît les risques éventuels, les effets secondaires, les alternatives,
- est en état de discernement (pas désorientée, pas en crise).
Selon une étude menée par l’ORS en 2024, un patient sur trois déclare ne pas avoir compris les consignes liées à un soin à domicile. Cela montre à quel point cette mission d’information reste d’actualité.
En tant qu’IDEL, vous pouvez :
- illustrer vos propos avec des exemples ou dessins simples,
- reformuler plusieurs fois si besoin,
- proposer de prendre un temps de réflexion avant d’agir,
- transmettre une feuille de soin si disponible.
Un consentement éclairé est un consentement solide, qui vous protège aussi juridiquement.
Gérer le refus de soins : accompagnement et traçabilité
Le refus de soin fait partie des droits des patients. Il ne doit jamais être minimisé ou contourné. Là encore, l’article L.1111-4 du Code de la santé publique est clair :
“Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré.”
Face à un refus, vous devez :
- vérifier que le refus est réfléchi et non lié à un malentendu,
- informer sur les conséquences médicales du refus,
- noter le refus dans le dossier de soins,
- alerter le médecin prescripteur sans attendre.
Si la vie du patient est en danger, la loi exige qu’elle réitère son refus dans un délai raisonnable, après réinformation, voire avis d’un autre professionnel.
Tutelles, mineurs, patients non conscients : les règles du consentement aux soins
Certaines situations méritent une vigilance accrue. Voici les grandes lignes à connaître en tant qu’IDEL :
Mineures :
- Le consentement parental est requis sauf exception (contraception, IVG, urgences).
- La mineure doit être informée selon son degré de maturité.
Majeures sous protection juridique :
- Si le patient est capable de comprendre, son consentement reste nécessaire.
- Sinon, le tuteur décide en tenant compte de son avis.
Patients hors d’état de s’exprimer :
- Vous devez consulter la personne de confiance, ou à défaut la famille ou un proche.
- Hors urgence, aucune intervention ne peut être faite sans cette consultation (article L.1111-6).
En cas de doute, il vaut mieux faire appel à une collègue, un médecin, ou l’ordre infirmier.
La réforme 2025 : une reconnaissance légale de votre rôle dans le consentement aux soins
La loi du 5 mai 2025, votée à l’unanimité par le Sénat, inscrit dans le Code de la santé publique deux actes clés :
- la consultation infirmière,
- le diagnostic infirmier.
Cela signifie que vous pouvez :
- poser un avis clinique autonome,
- proposer une stratégie de soin,
- recueillir seule le consentement à cette proposition.
Cette reconnaissance renforce votre responsabilité dans la démarche de soin. Désormais, ce que vous expliquez, ce que vous notez, ce que vous faites signer engage également votre responsabilité.
Soigner sans accord ? Un acte lourd de conséquences
Ne pas respecter le consentement aux soins en tant qu’infirmière constitue une faute grave, tant sur le plan juridique qu’éthique. Lorsqu'il n’y a pas de consentement libre et éclairé, les juridictions peuvent requalifier l’acte en atteinte à l’intégrité physique, voire en violences volontaires, même si le soignant agit avec une intention thérapeutique. En France, la loi interdit à tout professionnel de santé de pratiquer un soin sans avoir obtenu le consentement du patient, sauf en cas d’urgence vitale.
En 2022, l’Ordre national des infirmiers a reçu plus de 300 signalements pour manquements à la déontologie, et plusieurs d’entre eux portaient sur l’absence de consentement des soins infirmiers. Les conséquences peuvent être lourdes : le Code pénal prévoit jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende en cas de violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours (article 222-13). Du côté disciplinaire, l’infirmière peut être sanctionnée par une suspension ou même une radiation du tableau de l’Ordre, prononcée par la chambre disciplinaire. Au-delà de l’aspect légal, le non-respect du consentement compromet gravement la relation de confiance avec le patient. Informer, respecter les choix, et recueillir un consentement clair à chaque soin n’est pas une formalité : c’est une obligation légale, déontologique, et une condition indispensable à une pratique infirmière éthique et sécurisée.
Consentement aux soins : accompagner, informer, respecter
En 2025 plus que jamais, le recueil du consentement est au cœur de votre métier d’IDEL. Il n’est pas un obstacle au soin, mais sa condition. En expliquant, en écoutant, en respectant les choix, vous construisez une relation de confiance, vous garantissez la qualité du soin, et vous vous protégez en tant que professionnelle.
Prenez le temps. Même quelques minutes. Parce que soigner, c’est d’abord entendre.