Aujourd'hui nous vous présentons le témoignage de Chrystelle, infirmière en libéral dans le Finistère depuis 20 ans. Avant la crise, elle collaborait déjà avec d'autres cabinets infirmiers de son secteur, mais l'arrivée du Covid les a poussés à mener une action commune forte avec les mairies locales.
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Bonjour Chrystelle, est-ce que tu peux nous parler des changements que tu as vécus avec le covid-19 ? Comment cela se passe avec tes patients qui sont confinés ?
Nous avons beaucoup de personnes âgées dont le confinement affecte leur état psychologique. Ils ont du mal à comprendre pourquoi ils sont enfermés, alors que notre région est très peu touchée par le virus. Nous savons qu’il y a des cas, mais nous n’en gérons pas encore. On dit donc à nos patients qu'il y a effectivement des personnes contaminées et quelque part, ça les rassure sur l’utilité du confinement. Comme tout le monde, nous respectons la règle nationale.
Maintenant, quand j'interviens chez les patients, je leur demande par téléphone s'ils sont atteints ou non par le virus. Les gens comprennent. Je mets tout en place pour savoir à l'avance si je dois mettre en place des mesures de protections spécifiques ou de surveillance. Encore faut-il que je sache à l'avance si la personne est malade ou pas.
Il paraît que ton cabinet s’entraide avec d'autres cabinets pour faire face à la crise ?
Je travaille dans un cabinet de 4 infirmiers et sur notre secteur, il y a 4 cabinets ce qui représente en tout 15 infirmiers libéraux. Entre cabinets, nous avions des rapports cordiaux. On se croisait à la pharmacie, on se disait bonjour, on se transmettait les infos lorsqu'il y avait un problème de courrier…
Tout a commencé il y a 2 ans, lorsque l'un de nos médecins généralistes est parti. Notre zone risquait de devenir un désert médical. Nous avons alors commencé, sous l'impulsion des mairies, à faire des réunions. Même si nous n’avons pas encore résolu le problème du manque de médecin depuis, on se réunit et on se connaît mieux.
Quand l’épidémie de coronavirus est arrivée, l'un d'entre nous - qui est hyper connecté - nous a appelé pour créer un groupe WhatsApp afin de se coordonner. Nous avons décidé de mutualiser, d’un commun accord, nos tournées avec un calendrier qui répartit entre les 4 cabinets les éventuelles futures tournées de patients Covid. Chaque jour, sur la base du volontariat, un infirmier ira donc au contact de ces patients malades afin que les autres infirmiers puissent continuer à prendre en charge leurs patients non-suspects.
Côté matériel, nous avons décidé de centraliser tout le matériel médical que nous avions et de le mettre en commun. Nous avons réussi à récupérer des charlottes, des blouses, des sur-chaussures et des surblouses auprès d’exploitations agricoles qui n'en avaient pas besoin. Nous avons lancé un appel dans le journal local pour réunir des dons. L'une des mairies de notre secteur s'est aussi mise à contribution en nous prêtant le vestiaire du club de foot. Nous pouvons donc y prendre des douches et ils nous ont également prêté un véhicule que nous allons pouvoir utiliser lors de notre tournée spéciale Covid. Ainsi, l'infirmier qui sera en charge des tournées sur le virus pourra prendre des combinaisons, le véhicule, faire sa tournée, repasser par le vestiaire et prendre une douche. Cela évitera qu’il ramène le virus chez lui.
Et vis-à-vis des autres professionnels de santé, comment se fait la coordination ?
Alors, nous n'avons qu'une seule pharmacie sur notre secteur. Les pharmaciens ont mis en place bien sûr des mesures de protection et de distanciation sociale. Dès qu'ils ont des dotations pour nous, ils nous préviennent.
Du côté des médecins : avant, on avait déjà pour habitude de leur demander des renouvellements d'ordonnances sans voir les patients et on les récupérait dans le hall de leurs cabinets. Aujourd'hui, on poursuit avec cette méthode. On échange régulièrement avec eux et c'est l'avantage d'être en milieu rural.
Pour l’heure, je ne fais pas encore de téléconsultation. J'ai pour habitude de prendre les constantes que j'amène moi-même au médecin qui prépare ensuite une ordonnance que l’on récupère. Je le fais de manière bénévole. Bien sûr, si je suis amenée à avoir des patients infectés par le virus, j'aurai recours au télésuivi !
Ressentez-vous un changement dans votre quotidien de soignant avec la crise ?
Par rapport à l'élan de solidarité, il y a encore quelques mois, je recevais un PV de la part des gendarmes. Aujourd'hui, ils me saluent ! On ressent une prise de conscience sur notre rôle de soignant.
Nous avons fait appel aux mairies pour qu'avant le 11 mai, des couturières puissent fabriquer des masques pour la population pour le déconfinement. On s’est aussi portés volontaires pour distribuer des masques à nos patients.
Nous publions régulièrement des comptes-rendus dans la presse locale, on nous écoute.
Un mot pour les IDEL qui liront ce témoignage ?
J’encourage les infirmiers et infirmières libérales à se mutualiser. Au moins, pendant le Covid. J’encourage les cabinets à s’entendre parce que ça ne peut pas marcher autrement. Ni pour eux, ni pour les patients. Les patients ressentent et n’aiment pas quand les professionnels de santé ne se coordonnent pas. Ils sont bien plus rassurés de se sentir entre de bonnes mains qui travaillent en intelligence. Pour nous les soignants aussi, apprendre à travailler ensemble, c’est enrichissant professionnellement et personnellement. ?
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