
Longtemps pratiquée sans cadre officiel, la consultation infirmière est désormais reconnue par la loi du 27 juin 2025 et définie par l’Ordre national des infirmiers. Cette évolution majeure valorise une pratique née dans les années 1990 et affirme le rôle autonome de l’infirmier dans le suivi, la prévention et l’éducation du patient. Elle marque une étape clé vers un accès direct et élargi aux compétences infirmières.
Histoire, pratiques et cadre légal récent de la consultation infirmière
La consultation infirmière n’est pas une modalité de pratique nouvelle en France bien qu’elle vienne seulement d’être inscrite dans la loi du 27 juin 2025 (n°2025-581) et définit par le Conseil National de l’Ordre des infirmiers le 30 septembre 2025. Selon les travaux de Jovic L. (ENSP, 2000), la consultation infirmière émerge progressivement en France dans les années 90. Cette dynamique s’est construite de manière empirique, sans véritable cadre structurant :
- Aucune inscription réglementaire dans le champ professionnel infirmier,
- Absence de reconnaissance dans les dispositifs de valorisation de l’activité (PMSI, NGAP),
- Manque de consensus sur la définition et la méthodologie pour mener une consultation infirmière.
Les premières expérimentations dans les années 1990 et 2000
Cette dynamique a donc conduit à une grande diversité des modalités organisationnelles de la consultation infirmière plus prégnante dans les hôpitaux comme en soins palliatifs, en oncologie, en allergologie, en psychiatrie ou dans les unités de la douleur, de la migraine, les consultations « mémoire », « addictologie » etc…
Dans cette continuité, nous retrouvons en 2005 dans le Dictionnaire des soins infirmiers et de la profession infirmière (AMIEC), la définition suivante « La consultation infirmière est une prestation qui consiste à informer, conseiller, éduquer un patient et/ou son entourage, en matière de santé et de soins infirmiers. Elle est réalisée en milieu hospitalier ou extra-hospitalier, soit sur prescription médicale, soit à la demande du patient ou des infirmiers(ères). Elle peut être aussi associée à une consultation pluridisciplinaire ». Nous remarquons que la notion de prescription médicale est présente.
Puis, « la consultation infirmière permet une prise en charge des patients de façon ambulatoire, de qualité, et alternative à l’hospitalisation » (ARSI, Warchol N., 2007). Progressivement, ce dispositif se développe et commence à s’implanter en ville bien que sporadique. D’ailleurs, les publications restent limitées dans ce domaine.
De l’hôpital à la ville : l’essor progressif d’une pratique autonome
Engagées et pionnières, les infirmières libérales ont tissé des liens avec l’hôpital et les autres acteurs de santé, bien avant que la notion de parcours de soins ne s’impose. Ils ont développé des consultations d’éducation thérapeutique et de suivi pour les patients chroniques, polypathologiques ou porteurs de plaies complexes.
Ces pratiques, souvent hors cadre conventionnel et non rémunérées, reposent sur un fort investissement personnel, sans toujours offrir de retour concret. Pourtant, elles pourraient trouver leur place dans des consultations infirmières reconnues, dotées d’un cadre organisationnel et financier clair.
D’autres infirmiers en santé scolaire, environnementale ou au travail mènent déjà ce type de consultations et gagneraient à voir leur rôle pleinement reconnu.
Enfin, des champs restent encore à explorer, comme la santé communautaire, les accompagnements à domicile ou les interventions en centres de rééducation.
Une pratique fondée sur le raisonnement clinique et la co-construction
Le Conseil international des infirmières (CII) a récemment redéfini la profession comme une discipline scientifique, centrée sur la personne et socialement juste, réaffirmant ainsi l’essence et le potentiel des soins infirmiers.
En écho, le Conseil national de l’Ordre des infirmiers (CNOI) a publié en septembre 2025 la première définition officielle de la consultation infirmière : une pratique fondée sur le recueil de données cliniques, le raisonnement clinique et le diagnostic infirmier, appuyés sur des données probantes. Cette consultation s’inscrit dans une démarche de co-construction avec le patient, et permet à l’infirmière de prescrire, orienter, soigner, éduquer et prévenir dans le cadre de ses compétences.
Elle peut être initiée par l’infirmière, sur orientation médicale ou à la demande du patient, et se dérouler en présentiel ou en télésanté.
L’accès direct : une avancée majeure pour les infirmiers libéraux
Pour conclure, la notion de prescription médicale disparaît au profit d’une logique d’orientation, ouvrant la voie à l’accès direct des usagers ou des patients. Ces évolutions témoignent d’un renforcement des compétences dans la pratique consultative. Ce cadre facilite tout particulièrement l’exercice des infirmières libérauxales. Il leur permet d’intégrer plus formellement la consultation infirmière dans leur pratique et de s’inscrire légitimement comme acteur de premier recours. Le Conseil national professionnel infirmier (CNPI) a largement soutenu cette avancée en publiant son livre blanc dès janvier 2026.
Une reconnaissance encore incomplète
Toutefois, il convient de rester attentif, car en l’absence de décret en conseil d’état puis de la publication des arrêtés, la consultation infirmière reste dans une incertitude législative. Cette absence de cadre réglementaire empêche également une négociation conventionnelle au regard de la nomenclature des actes professionnels (NGAP). Cette situation constitue donc un enjeu majeur pour les infirmières libérales, dont la rémunération dépend en partie de cette reconnaissance.

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Modèles de référence structurant la consultation infirmière
Il ne s’agit pas d’un « titre » ou d’un « acte technique » mais bien d’un nouveau rôle et d’une pratique faisant référence à des concepts et des théories.
Le premier modèle est celui de Caplan identifiant ainsi le champ d’application et le bénéficiaire de la consultation. Nous parlerons alors de consultation de première ligne lorsque l’usager ou le patient consulte. Quant au champ d’application, il va cibler le domaine d’expertise de l’infirmière pour répondre à des demandes spécifiques.
Puis un second modèle est celui de Schein venant structurer la consultation d’après des process établis. ll permet d’adopter une compréhension globale de la personne accompagnée et de co-construire avec elle les leviers du changement.
Pour la profession infirmière, nous retiendrons l’un des 3 process décrit par Schein qui est le processus de consultation « avec le patient ». Il a principalement deux objectifs :
- Il vise à résoudre le problème de santé dans un processus participatif (co-construction) avec la personne/patient
- Il permet à la personne/patient de trouver ses propres solutions d’autosoin dans la gestion autonome de son problème de santé à l’appui de l’infirmiière qui est facilitatrice
Ce type de consultation met en exergue les capacités adaptatives des personnes. Pour ce faire, Schein décrit huit principes pour une posture professionnelle adaptée. Ils contribuent à préciser les contours du rôle infirmier en consultation : toujours chercher à aider, travailler avec la réalité du terrain, reconnaître ce que l’on ne sait pas, considérer que chaque acte constitue une intervention, laisser à la personne la propriété du problème et de sa solution, s’adapter au contexte et saisir les opportunités, être prêt à apprendre de l’imprévu et coconstruire le problème avec la personne.
Pour conclure, ce cadre conceptuel est utile pour professionnaliser la consultation infirmière dans un contexte où son développement a longtemps précédé son encadrement réglementaire en France.
Les diagnostics infirmiers au cœur de la consultation infirmière
"La clinique infirmière est une manière de penser et d'agir dans le champ de la santé ".
Les diagnostics infirmiers constituent le socle de la consultation infirmière. Comme le souligne l’Ordre National des Infirmiers, le raisonnement clinique infirmier en est le fil conducteur. Il s’agit d’un processus intellectuel structuré, mobilisant une analyse rigoureuse des données recueillies afin d’identifier les diagnostics infirmiers, de définir des objectifs pertinents et de sélectionner des interventions intégrées au plan de soins personnalisé.

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Fondé sur une démarche de résolution de problèmes et s’appuyant sur la classification internationale des diagnostics infirmiers NANDA I, ce raisonnement répond de façon ajustée aux besoins et attentes exprimés par les personnes. La réussite de cette démarche repose sur la collaboration active et l’implication de la personne. En effet, ils sont indispensables pour coconstruire le plan de soin par des décisions cliniques éclairées, partagées, concertées, adaptées et individualisées. En consultation infirmière, la priorisation des problèmes doit pouvoir contribuer à l’autonomie de la personne dans la gestion de sa maladie, de son handicap, de ses autosoins ou de sa santé. Cette notion fait également référence au modèle de Schein. Pour le bénéficiaire, cette autonomie va s’appuyer sur sa capitalisation des forces, ses ressources, ses croyances facilitatrices, ses leviers motivationnels ou ses dispositions à apprendre (readiness) ou à changer de comportements de santé.
Plus que jamais la maitrise du raisonnement diagnostique va être fondamental et va même exiger pour certains professionnels infirmiers de se former de nouveau.
Expérience de consultation infirmière
Dans les années 2010, ma pratique au sein d’un centre de victimologie pour mineurs m’a permis d’expérimenter concrètement la consultation infirmière comme espace clinique à part entière. Cette expérience m’a conduite à mobiliser le raisonnement clinique infirmier pour structurer les entretiens thérapeutiques selon la théorie de l’interactionnisme, centrée sur la relation soignant-soigné dans un cadre cohérent avec les compétences infirmières.
Les interventions relevant du rôle propre étaient adaptées à l’âge des enfants et à leurs problématiques psychotraumatiques. Ce cadre structurant et sécurisant favorisait des soins individualisés et évolutifs, intégrés dans une dynamique pluriprofessionnelle.
Chaque prise en charge débutait par un entretien clinique exploratoire, destiné à recueillir le récit, clarifier la demande et valider la pertinence du recours infirmier. À chaque séance, une même question guidait l’échange : « Qu’est-ce qui est le plus important pour vous aujourd’hui ? ». Elle ouvrait un espace d’expression centré sur les priorités du moment et garantissait le respect du cadre infirmier.
Enfin, la clôture de la consultation visait à consolider les capacités d’autosoins. Cette pratique souligne une exigence fondamentale : la formation. Se former, c’est acquérir la rigueur, l’assertivité et la justesse nécessaires à une consultation infirmière efficace et éthique.
La consultation infirmière, un tournant pour la profession
Au cœur des évolutions actuelles, les infirmiers renforcent leur rôle clinique à travers la consultation infirmière, en attendant les textes d’application. Déjà, de nouvelles compétences leur sont reconnues prescription de vaccins, pansements, substitutifs nicotiniques, bilans de prévention ou certification des décès.
Mais, en réalité, beaucoup pratiquent déjà la consultation infirmière sans le nommer : entretien pré-vaccinal, suivi d’un patient diabétique, ou bilan de prévention… Autant d’actes fondés sur le recueil de données, l’évaluation clinique et la co-construction du soin. Cette approche transversale ouvre la voie à un accès direct des patients aux infirmiers et à une reconnaissance pleine de leur expertise.
Pour accompagner cette évolution, ORION SANTÉ propose depuis plusieurs années une formation de 49 h “La consultation infirmière”, reconnue et partiellement prise en charge. Basée sur une pédagogie concrète et participative, elle aborde les modèles de consultation, les diagnostics infirmiers et les entretiens thérapeutiques.
Avec 98,6 % de satisfaction et plus de 80 % d’application en pratique, elle soutient les infirmiers dans ce nouveau rôle clinique.
La motivation reste la clé : votre engagement fera la différence.
Rédaction en collaboration avec Corinne Soudan, Directrice pédagogique ORION SANTÉ, infirmière spécialiste clinique.




