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Prendre un savon et laver – La chronique de Jean-Pascal infirmier et ambassadeur CBA

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Laver. Nous pouvons assimiler cette action comme première à la fonction d’infirmière ou d’aide-soignante. On peut évidemment l’associer à celle de prendre soin, mais au décours de l’évolution du rôle de soignant depuis son origine, l’infirmière lave, nettoie les patients. Nous allons essayer d’aborder ce rôle à la lumière des connaissances d’aujourd’hui.

La Toilette

Pour certains d’entre nous, cela représente la majeure partie de notre tournée d’infirmière. Cela fait partie de notre rôle propre, c’est-à-dire :

 « Des soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes. »

On apprend donc cela de manière très théorique à l’IFSI et durant nos stages et lui donnons ensuite l’efficacité et les priorités liées aux exigences de temps de soin, conféré par la quantité de travail et l’organisation du service, ou du secteur d’activité où l’on exerce.

La qualité du soin dépend aussi bien sûr d’un paramètre essentiel, inhérent à la personnalité même de l’infirmière : la conscience professionnelle.

Quoi qu’il en soit, en pratique pour laver, il faut de l’eau…, et du savon.

Avant, nous avions moins le choix qu’aujourd’hui en matière de produits lavants. Le monde moderne est passé par là.

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Historiquement

Le savon est apparu, il y a très longtemps (2 200 ans avant J.-C.) par le mélange d’huile ou de graisse animale à des cendres végétales (potasse). Ses propriétés sont de déterger, c’est-à-dire enlever les salissures.

Nous savons que le feu, ça brûle…et à contrario, l’eau ça mouille… pas tout à fait !

En fait, l’eau ne possède pas de pouvoir mouillant (étalement d’un liquide sur une surface solide ou augmentation de la vitesse de pénétration dans les corps poreux), l’énergie de surface de l’eau est relativement faible et si l’on verse de l’eau sur un tissu, celle-ci aura tendance à glisser dessus.

Il faut donc ajouter un mouillant et les jardiniers confirmés le savent, pour faire en sorte que les produits pulvérisés adhérent bien aux feuilles à traiter, l’ingrédient très utilisé est… le savon noir ! Ainsi, si l’on veut enlever les taches des vêtements, il faut mettre de la lessive.

Au niveau moléculaire : le savon est amphiphile, un joli nom pour définir son ambivalence à la fois hydrophile (ou lipophobe) attirant l’eau, et hydrophobe (lipophile) attirant les lipides. On dit aussi qu’il est tensioactif.

Les molécules du savon peuvent donc s’insérer à l’interface eau-lipide et détacher les graisses d’une surface. On fait de la mousse, on frotte… C’est cela déterger.

Le savon, a un Ph plutôt alcalin. La peau, elle, est plutôt acide. S’il a du mal à mousser, c’est lorsque l’eau est dure, qu’elle contient du calcaire. Par contre, un adoucisseur d’eau dans la maison, et vous mettez un temps fou à rincer !

La vie d’aujourd’hui, de plus en plus confortable, même dans toutes les taches ardues du quotidien, fait qu’on se salit moins.

Au début du siècle dernier, les corvées liées à une moindre motorisation du travail accentuant la transpiration ; l’eau courante non encore généralisée ; les moyens de lavage du linge étant pénible (lavoirs) ; la toilette se réduisait à laver l’essentiel.

Aujourd’hui, on se lave plus, mieux, voire trop.

Trop d’hygiène tue l’hygiène ?

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Dans notre pratique

Laver avec raison les gens et choisir un produit moins détergent

Car la finalité est bien de nettoyer, mais malheureusement, on enlève le film hydrolipidique en même temps !

Justement le monde moderne, avec le confort de l’eau courante dans la maison, chaude à souhait, avec des baignoires et des douches à l’italienne, des produits lavants bons marchés, a incité l’individu à se laver souvent. Après le sport, le jardinage au lever, la douche ou le bain, lavent la sueur et réveillent l’esprit.

Les coiffeuses faisaient, il y a encore peu, 2 shampooings lors du passage au bac, avant que les recommandations métier les poussent à rester sur un lavage, afin d’être moins irritant pour le cuir chevelu.

Les gynécologues, ont dû communiquer sur le nécessaire respect de la flore vaginale pour les femmes !

La peau qui protège, est un des organes émonctoire (qui permet l’élimination) de l’organisme et possède un équilibre fragile, que des lavages appuyés et fréquents vont altérer. Il faut pour cela un produit qui respecte et préserve la peau.

Utiliser un savon sans savon ou savon dermatologique, c’est un détergent synthétique (Syndet) au Ph plus acide, proche de la peau, il est moins desséchant. Nous pouvons du coup l’utiliser fréquemment chez les bébés, personnes âgées, et sur les peaux atopiques, grasses ou sèches !

Le savon sur-gras lui, naturel, est juste plus dosé en huile, ce qui le rend plus doux et plus hydratant, mais du coup moins efficace sur peau grasse.

Hydrater à l’aide de crèmes, les parties découvertes comme les avant-bras, le cou le visage et les jambes. J’ai eu des résultats spectaculaires chez des PA à la peau papier de cigarette, avec pétéchies car sous anti-coagulants et au bout d’un certain temps, beaucoup moins de plaies de déchirements.

En général, je laisse à la personne le soin de se passer la crème sur le visage et les avant-bras, pendant que je fais les jambes (lorsque cela est possible bien sûr).

Utiliser un produit adapté pour l’hygiène intime des femmes. Alors là, c’est ma fille, esthéticienne, qui m’a obligé. Saforelle, Cattier (bio), A-Derma ou Cavaillès, par exemple. Les produits de douche sont trop détergents et perturbent le Ph naturellement acide du vagin.

Le shampoo

Est le fait de masser le cuir chevelu, cela vient de l’anglais et de ses colonies indoues, à l’aide d’huile et de plantes. En 1934, c’est L’Oréal qui sort une version grand public : Dop.

Aujourd’hui les recommandations incitent à diminuer la fréquence des lavages et ne faire qu’une application par semaine d’un produit adapté à la nature du cheveu.

Les types de peaux

Il faut déterminer le type de peau du patient et cette caractéristique, nous l’avons à vie !

Certains ont une peau à tendance grasse, quand d’autres présentent une peau sèche. Enfin, une partie de la population souffre de problèmes d’acné, d’eczéma, de psoriasis… 

Peau grasse : rare chez la personne âgée, la peau grasse de l’adolescence persiste pour certains. Plutôt éviter les savons sur-gras, mais aussi les savons normaux, car trop détergents et l’effet décapant va exciter les glandes séborrhéiques déjà trop actives… Donc, savon ou gel douche sans savon !

Peau sèche : en général, la personne ressent sa peau sèche parce qu’elle la perçoit inconfortable, tendue, éventuellement rugueuse et que l’application d’un produit adapté la soulage.

Les causes sont multiples au-delà de la sécheresse innée (ou constitutionnelle), il existe aussi des états de sécheresse cutanée déclenchés par des facteurs externes, climatiques, environnementaux, causés par des pathologies cutanées (eczéma atopique, psoriasis…), des maladies générales (thyroïde, diabète, carences nutritionnelles…) et/ou des traitements médicaux et enfin l’âge.

Le produit de douche doit donc être, lui aussi, dermo-protecteur.

Pensez, l’hiver, à vérifier que vos patients mettent de l’eau dans les réservoirs adaptés, sur ou derrière les radiateurs en fonte.

Peau normale : Peu importe le type de produit, juste en profiter pour choisir la texture et le parfum qui va rendre le moment agréable.

Les produits

Tout d’abord, je n’ai aucune déclaration d’intérêt avec quiconque. Je vous donne quelques éléments pour faire votre choix.

Pour laver :

Les produits utilisés étant ceux des patients, si vous détectez une incompatibilité entre l’usage, la nature du produit et la réaction cutanée, à vous d’être convainquant en indiquant le produit adapté.

Le temps où le seul produit d’hygiène corporelle disponible était le savon de Marseille est désormais révolu.

Pour des raisons écologiques les produits solides, pour éviter les contenants plastiques, reviennent à la mode, en savons et en shampooings.

D’un autre côté, huiles, crèmes, gels douche et savons liquides généralement conditionnés dans un flacon en plastique, sont faciles à transporter et à conserver. Ils sont souvent équipés d’une pompe pour un meilleur dosage. Là où le savon nécessite un porte-savon et est fréquemment mouillé lors de la douche, le flacon de gel douche peut être posé au sol et reste clos.

Pour le choix, les conseils sont d’éviter les produits renfermant trop de conservateurs, avec le moins de composants possibles et prendre, en fonction de la nature de la peau, une texture qui plaît, très moussante ou pas, huileuse ou veloutée, au parfum naturel si possible….

J’utilise donc en général, un conditionnement type flacon pompe de 400 ml à 1 litre :

  • BIODERMA : dans sa gamme ATODERM propose tous les types de textures : huile, crème, gel, pain
  • LA ROCHE POSAY : dans sa gamme LIPIKAR idem
  • SVR : dans sa gamme TOPIALYSE pareil

Les rayons de parapharmacie sont tellement fournis qu’on s’y perd !

Personnellement, je propose à mes patients le Baume lavant de chez SVR, parce qu’un dermato me l’a conseillé et que je n’ai que de bons retours depuis 2 ans que je l’utilise.

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Pour hydrater :

  • Essentiellement les baumes et les crèmes et dans les deux cas il s’agit d’émulsions associant eau et corps gras. Les baumes sont plus huileux, plus hydratants et réparateurs et surtout moins fragiles à la conservation.
  • Une crème avec des conservateurs naturels, se conserve en moyenne 3 mois ; un baume, un an.

Les baumes, comme les pommades ont tendance à rester plus longtemps à la surface de la peau et prennent plus de temps à être absorbés.

Les crèmes, comme les lotions, sont couramment utilisées pour l’hydratation aussi, car rapidement absorbées, souvent à des fins esthétiques, mais aussi comme véhicules à un principe médicamenteux.

Plus les ingrédients actifs et autres adjuvants sont naturels dans la crème ou le baume, mieux ils seront pour la peau.

Donc plutôt éviter les compositions inertes et comédogènes à base de silicone et huiles minérales (paraffine, pétrole…), préférer les huiles végétales bio de bonne qualité, avec le moins d’ingrédients possibles. Oui Dexeryl n’est pas mon ami !

Juste, bien vérifier l’innocuité des produits utilisés, afin de protéger le patient et nous-même. Aujourd’hui les perturbateurs endocriniens sont partout, dans notre usage quotidien.. 

Vous avez la fameuse application Yuka qui vous aide à déterminer plus finement les qualités d’un produit cosmétique (ou alimentaire), en scannant le code barre.

Que choisir fait la preuve lors de ses tests (2019) que la crème la plus chère finit 18 -ème sur 20, les 2 premières places étant remportées par les produits les moins chers.

Du coup, hormis la qualité du produit, le choix se fait en fonction du but recherché, la nature de la peau, bien sûr, mais aussi des paramètres personnels pour le patient et le soignant : un produit huileux tache plus les vêtements, la texture du produit et sa capacité à être absorbée peut inciter à choisir une version plus fluide ou au contraire plus onctueuse. Certaines personnes aiment moins cette sensation de gras sur la peau apportée par le baume, la crème donne plus une impression de frais.

Bien sur chez les hommes pour l’après rasage, pas de produits alcoolisés !

  • SVR : baume intensif topialyse (mon préféré aussi)
  • BIODERMA : Atoderm intensive baume
  • LA ROCHE POSAY : Lipikar baume AP+

CONCLUSION :

Nous devons avoir une réflexion, sur la priorité que l’on donne à l’acte à réaliser… nettoyer, donner du bien-être ? Certes, au décours du soin nous réalisons les deux, mais je me focalise toujours sur le ressenti du patient lors de ce moment, et adapte en fonction le produit utilisé, le temps du soin

Je privilégie la douche à la toilette lavabo lorsque c’est possible, car elle doit être un moment pour réveiller les muscles et les articulations des personnes âgées, avec la chaleur et le geste massant du gant lors du savonnage, avec le produit adapté.

Laver n’est pas un acte anodin, il touche à l’intimité, à la pudeur, au toucher avant même de prendre en considération son but, nettoyer certaines parties du corps.

On aime se sentir propre ? Comme l’odeur de Javel, donne à certains la certitude de propreté, celle du savon ou du parfum peut s’accorder à la sensation d’hygiène et de fraîcheur. Mais ne pas omettre la phobie de l’eau, de certaines personnes par éducation, habitude, celles qui ne supportent pas qu’on leur lave la tête, celles qui peut-être sont rassurées par la crasse ?!

Car les notions de propreté ou de saleté, sont avant tout personnelles et sont issues d’un chemin de vie.

Là aussi, l’utilisation des outils de l’ETP (éducation thérapeutique du patient), peut aider à doucement décider le patient, à préférer l’odeur de la lavande à celle de la transpiration !

Je n’ai pas parlé, du nettoyage des yeux, de la langue, du lavage du nez (eau salée), et celle du colon, plus pratiqué dans certaines sociétés (Inde) ! Cela sera une autre chronique. 

Enfin, j’ai arrêté d’utiliser les gants de crin. 😊

N.B. : Prendre ou passer un savon, cette expression de la langue française, provient du travail des lavandières, qui battaient le linge à grand coup de battoir (palette en bois) pour en extraire les impuretés et le savon du linge. La langue aurait transformé cette énergie du geste, à celle d’une correction en règle et a pris par la suite des allures de sermon… !


La chronique de Jean-Pascal

La chronique de Jean-Pascal

Jean-Pascal est infirmier libéral et ambassadeur CBA. Il lui tient à cœur de partager son expertise et ses connaissances avec la communauté. Il nous propose régulièrement sur La Ruche sa chronique piquante et décalée.

Les ambassadeurs CBA

Les ambassadeurs CBA, ce sont des infirmiers libéraux utilisateurs de nos solutions partout en France. Ils participent activement au développement de nos logiciels et au développement de la communauté CBA.

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sophie-charlotte damiens
sophie-charlotte damiens
4 années

jean pascal doit assurément etre un ambassadeur bioderma la roche posay…. cela est vrai que nos mains subissent le savon dove de nos patients et c’est duuuuur pour nos petites mains gercees
jamais je ne me permettrais de juger le choix de mes patients a ce niveau
pour moi ils subissent deja le geste d’un etranger pourquoi leur imposer le choix de l’etranger