Marine est infirmière libérale près d’Annecy dans un cabinet infirmier de 5 personnes. Les hôpitaux étant contraints de vider leurs services, la prise en charge de patients lourds, type HAD, se répercute notamment sur son cabinet. Aujour’hui, elle partage avec nous son état d’esprit au temps du coronavirus.
« Je me réveille post week-end au boulot. J’ai vu environ 50-60 patients par jour. Environ 200 lavages de mains / frictions par jour. Un masque sur le nez. Pas celui adapté, non ! Celui-là, j’en ai trop peu. Je préfère les garder pour les patients Covid. Mes mains sont abîmées, elles me font mal et je suis fatiguée !
Je me réveille avec ce sentiment d’avoir parlé en boucle pendant 14h du Corona ! Ma tête est pire que BFM, mais en vérité ça va ! Enfin je crois, ou alors je m’oblige à le penser. J’ai peur, pour ma famille, pour mes patients. Cette angoisse que j’ai sur les épaules, c’est de promener ce virus de maison confinée en maison confinée ! Et pourtant, je fais attention : sas de décontamination chez moi, désinfection de ma voiture, de mon matériel de soins, je lave mes cheveux tous les jours. Ah oui ! Je suis loin du challenge Nopoo !
Je fais comme je peux. Pas au mieux, car on n’a pas de matoss ! Mais comme je peux. En fait, on a l’habitude de faire comme on peut, c’est ça notre boulot : aider, prendre soins, réconforter, rassurer. Toujours avec les moyens du bord. On n’est pas des Héros. J’ai du mal avec cette image, on n’est pas des soldats non plus, on est des soignants. C’est tellement différent. On est là, on agit. Et ça fait 1 an qu’on hurle notre colère. Et en ce moment c’est la crise !
Ce Corona montre que notre présence est essentielle. Alors oui, les gens applaudissent à 20h et samedi soir, quand je suis sortie d’un immeuble à 20h00 pile – et je dois avouer que ça m’a touché 30 secondes puis…- je me suis rappelé que les gens pensent que notre présence est un dû. Qu’on nous insulte, qu’on ne nous respecte pas, qu’on nous agresse, qu’on nous tue ! Ce que je souhaite après cette crise, c’est que chacun sur son balcon se souvienne qu’on est toujours là à prendre soin, que rien ne vous est dû, mais que c’est un service. On fait notre travail avec une conscience professionnelle intacte.
Et puis, je pense à ceux qui sont dehors en balade, qui frôlent avec les lois, qui se signent des autorisations de sortie à la pelle. Ils m’énervent eux ! Acheter le pain tous les jours… tu joues à quoi au juste ?
Je pense à ceux qui râlent d’être confinés, ceux qui sont seuls, isolés, sans moyens de communication. Ça doit être difficile ce retour à l’essentiel, la notion d’ennui, de la rencontre avec soi. Alors si c’est difficile pour toi, sache qu’on est là pour toi. Reste chez toi. Apaise tes pensées. Rassure-toi, tu as un toit, la chaleur de tes draps, le confort de ton matelas, tu peux te préparer des bons petits plats. La vie est là et elle n’est pas si mal comme ça. Tu verras. »