Laure Dandieu avait seulement 23 ans quand elle eut l'envie de s'impliquer auprès de personnes atteintes d'un cancer. Avec la volonté d'améliorer le quotidien de ces personnes, elle fonda en collaboration avec son équipe, l'association caritative La Holi. Découvrez le portrait d'une femme avec le coeur sur la main.
Qui est Laure ?
- Infirmière depuis : 2012
- IDEL remplaçante depuis : 2016
- Nombre d'associés dans le cabinet : 2
- Lieu de travail : rural
- Moyen de déplacement : voiture
- Nombre de kilomètres par jour : entre 150 et 200 km
- Ses avantages du métier : la liberté de faire les soins comme elle aime le faire, le travail en équipe, la liberté de ne pas être enfermée dans une structure et la proximité avec le patient
- Ses inconvénients du métier : l'administratif et le côté physique du métier
- Passion : la danse
CBA : Pouvez-vous nous présenter votre association caritative ?
L'association s'appelle "La Holi" et elle est basée sur Hagetmau. On y accueille des adultes touchés par le cancer. Je suis aidée de 3 personnes : Dominique notre présidente, Marie-Pierre notre trésorière et enfin, Julie notre secrétaire.
Notre souhait était de s'installer à Hagetmau car nous voulions aider les malades habitant en zone rurale ! Il faut savoir que nous sommes dans un coin où les gens font 40 km aller et 40 km retour pour rejoindre un centre hospitalier afin de se faire soigner. Il n'existe pas non plus de structures d'activités adaptées à la maladie, comme pour faire du sport par exemple.
J'ai ete confrontée à la réalité du manque d'accompagnement des malades du cancer, lorsque j'étais en HAD (Hospitalisation A Domicile). On se rend compte que, parfois, leur quotidien est régi uniquement par la maladie. Entre la kiné, la chimio et les soins infirmiers, les moments de plaisir ne sont plus forcément là. Tous les jours j'avais de nouvelles situations comme ça. C'est donc petit à petit que m'est venue l'idée de monter une structure en dehors d'un contexte médical. Ensuite, les filles se sont greffées au projet. Notre présidente, Dominique, était aide-soignante à l'hôpital, Marie-Pierre est passée par la maladie et Julie est infirmière.
CBA : Quand est-ce que l'association a-t-elle ete créée ?
Nous avons créé l'association en novembre 2016, mais nous avons ouvert les portes aux personnes malades en octobre 2017. C'est le temps qu'il nous a fallu pour trouver un local et les partenaires.
L'association répond à une frustration, que nous personnel soignant, pouvons avoir. Nous faisons nos soins du mieux que l'on peut, avec le plus d'empathie possible ! Mais parfois nous sommes confrontés à des patients malheureux et on ne sait pas vers quels organismes les renvoyer. C'est à partir de ce constat que notre projet est né, pour au moins essayer d'améliorer le quotidien de ces personnes.
CBA : Concrètement, qu'est-ce que ça donne au quotidien ?
Le projet de notre association est d'accueillir des personnes atteintes de la maladie du cancer, 3 jours par semaine, en leur proposant différentes activités (activités physiques et sur le bien-être en général). Nous organisons également des groupes et des ateliers autour d'un sujet à thème. Par exemple, il existe un atelier nutrition avec une dieteticienne bénévole dont le but est de sensibiliser sur comment manger saisonnier et local. On donne également des petites recettes que l'on cuisine ensemble, pour leur donner envie de prendre soin d'eux et de manger ce qui leur fait plaisir. On essaie de mettre la personne au coeur de sa santé au moment où elle lui échappe un peu. On fait de la marche, du yoga, du pilate, de la danse, des groupes de paroles avec la psychologue, de la peinture, de la méditation, du yoga du rire... Nous avons notamment un socio-coiffeur pour guider les personnes lors de la perte de cheveux, ainsi qu'une socio esthéticienne pour apprendre à maquiller la perte de sourcils.Tous nos intervenants sont bénévoles !
Depuis l'ouverture de nos locaux, nous avons accueilli 32 personnes dont 29 femmes et 3 hommes. La moyenne d'âge est de 58 ans et demi. Le cancer du sein est le type de cancer prédominant parmi les personnes que nous côtoyons. Nous avons environ 24 femmes touchées par le cancer du sein.
CBA : Comment avez-vous choisi le nom "La Holi" ?
Nous avons choisi le nom "La Holi" car il représente la fête des couleurs en Inde. On voulait quelque chose de coloré, pétillant et qui ne rappelle pas la maladie. Ca représente le rassemblement, le partage, la joie et la bonne humeur ! Notre but n'est pas de révolutionner, de vendre du rêve ou encore, de prétendre à une guérison ! Mais au moins nous faisons notre part dans le cursus thérapeutique.
CBA : Quelle implication cela vous demande-t-il au quotidien ?
En gros, nous ne comptons pas nos heures ! Officiellement l'association est ouverte 3 jours par semaine. Mais tous les week-ends avec l'équipe, nous sommes amenés à tenir des stands pour récupérer des fonds. Nous mettons en place des stands de présentation, des stands de crêpes pendant les matchs de foot et nous participons également aux fêtes locales de chaque village de la région. Nous retrouvons un grand soutien à ce niveau-là : des concours de pétanque et des marches de soutien sont organisés au profit de La Holi. Du coup ça nécessite pas mal d'investissement pour se faire connaître. Et tout ça c'est du temps bénévole.
CBA : Pour le lancement de l'association, avez-vous dû mettre de l'argent de côté ?
Pour la financer, on est partie un peu à l'aveugle. C'est Michel, un ancien homme d'affaires, qui nous a aidé. Ca a ete un peu notre parrain de démarrage.
Ensuite, nous avons lancé une cagnotte en ligne et nous avons récolté 8000 euros sur les 5000 euros demandés de départ. Nous nous sommes assurés quelques mois de loyer grâce à la solidarité locale, ce qui est énorme.localement on a un soutien énorme ce que est une véritable chance. Nous ne remercierons jamais assez toutes ces personnes qui nous permettent de poursuivre l'aventure !
CBA : Est-ce que vos patients sont au courant de ce que vous faites avec l'association ?
Oui tous sont au courant de ma double activité mais je n'en parle pas systématiquement, tous ne sont pas concernés ... Nous sommes dans un milieu rural, c'est généralement très familial, les personnes intéressées posent des questions soit quand il me voit , soit à mes collègues pour connaître les avancées de l'association. Ils nous suivent lorsque l'on a des articles ou passages à la télévision.
Depuis notre reportage sur la chaîne TF1 on a eu pas mal de contact pour savoir comment on avait fait. C'est vrai que le cancer touche tout le monde aujourd'hui. Nous connaissons tous quelqu'un de près ou de loin, touché par le cancer !
CBA : En tant qu'infirmière libérale, avez-vous pu adapter la prise en charge de vos patients ?
Oui ça a un impact forcément, sur les conseils que l'on peut donner au quotidien. En début de carrière on peut être assez scolaire mais avec l'expérience nos conseils sont de plus en plus adaptés.
Nous essayons de créer une collaboration avec les hôpitaux, pour à l'avenir leur faire remonter des retours que nous font les personnes malades. Par exemple sur des petites choses comme avoir du choix dans les plateaux repas entre quelque chose de complet ou de plus léger. La première étape est déjà d'être reconnus comme utiles par les équipes.
CBA : Avez-vous beaucoup de retours de la part d'IDEL qui entendent parler de votre association ?
Oui c'est vrai que l'initiative est encouragée. Nous avons des IDEL qui nous demandent des conseils et des infos sur l'association pour pouvoir à leur tour en parler et rediriger leurs patients atteints du cancer. Cela permet de travailler en collaboration avec d'autres infirmières libérales qui se sentent également seules et frustrées dans ce processus. À la base nous choisissons ce métier parce que nous voulons aider et faire du mieux que nous pouvons. La frustration est ressentie par de nombreux autres professionnels. Même s'ils ne sont pas engagés dans l'association directement, ils en parlent à leurs patients.
CBA : Avez-vous le sentiment que le rôle de l'association permet de soulager l'entourage des patients ?
Disons que ça leur permet de ne pas être la seule ressource. Donc c'est vrai que l'on a de très bon retour de la part de l'entourage pour l'instant. Cela permet d'une certaine façon d'épauler leurs proches, puisque ce n'est pas facile lorsque l'on est conjoint, enfant ou bien parent. C'est tout le quotidien qui est chamboulé.
CBA : Pour en revenir à votre activité en libéral, est-ce que ça vous fait du bien de continuer à exercer en dehors de l'association ?
Oui complètement. Si je pouvais faire quelques jours de plus, je le ferais. Mais c'est vrai que pour l'instant c'est un peu compliqué de trouver d'autres remplacements avec le rythme que je mène avec l'association. Le métier d'infirmière est tellement varié, que cela me permet de ne pas voir que le cancer. Donc c'est super, c'est un bon complément !
Le but de l'association est justement de trouver une autre infirmière pour pouvoir partager le temps de travail entre nous deux. On pourrait alors ouvrir l'association 5 jours par semaine et exercer chacune notre activité d'infirmière libérale.
CBA : Sur le plan personnel, qu'est-ce que vous retirez de cette expérience ?
Des fois je ne m'en rends pas trop compte de ce que nous avons fait, du chemin que nous avons parcouru. Il y a cette fierté de se dire que nous avons réussi ! Au début, lorsque je parlais de mon projet, on me riait au nez parce que j'avais 23 ans. Je me disais "oh la la ! J'ai 23 ans, je pars dans tous les sens". Et en fin de compte, on en retient forcément une certaine force. Je ne sais pas si ce sera pérenne mais pour l'instant on arrive à trouver de quoi survivre. Il ne faut jamais rien lâcher !
Personnellement, outre la satisfaction d'avoir monté l'association, c'est vraiment une leçon d'humilité. Ca me permet de relativiser sur plein de choses du quotidien ! On se dit qu'il faut profiter de chaque instant !
CBA : Quels sont les prochains projets que vous envisagez pour l'association ?
Nous allons essayer de mettre à bien des séances de préventions autour de l'autopalpation pour le cancer du sein notamment. Nous aimerions les mettre en place dans des collèges et des lycées, pour toucher les jeunes femmes. Nous n'apprenons pas à palper notre poitrine nous-mêmes. Alors que c'est un geste simple que nous pouvons faire en prévention et qui peut vous sauver la vie.
Nous souhaitons que l'aventure de Laure et de son association La Holi, soit la plus grande et la plus longue possible !